Peut-on considérer que nous sommes en fin de vie de la Playstation 4 ? Avec les rumeurs insistantes qui se bousculent au sujet de la prochaine génération, il est fort probable que la console passe la main d’ici un an ou deux grand maximum. Si l’on prend le cas de sa grande sœur la PS3, cette dernière a aussi accueilli un jeu narratif solo de zombie avant de tirer sa révérence, le magistral The Last of Us. Et c’est au tour de Days Gone de nous proposer sa vision de l’apocalypse zombie à travers un monde ouvert à parcourir en moto.
Ces jours d’antan
Autant évacuer d’entrée un point : Days Gone souffre de la comparaison avec le titre de Naughty Dogs en un point crucial : ses personnages et sa narration. Pourtant, le jeu débute ici avec la même logique de nous conter un événement qui prend place pendant d’Outbreak (du moins on le suppose) durant lequel le héros motard Deacon St-John va être séparé de son épouse et sillonne les routes de l’Oregon pendant 2 ans sans avoir pu la retrouver. Persuadé de sa mort, il tente de survivre tandis que le monde s’organise au mieux pour faire face à la présence des Freakers, ces mutants violents plus proches des créatures de “I am a Legend” que du zombie traditionnel.
Qu’importe, le principe est le même et outre son agressivité et son goût pour le sang, cette créature permet aussi aux développeurs de dépeindre les aspects sombres de l’humanité quand elle doit faire face à pareille menace. Mais pour en revenir à l’intro qui prend donc place deux années avant le vrai début du jeu, elle échoue à nous faire ressentir l’empathie nécessaire envers Deacon, qui arbore en sus un look adolescent rebelle assez fade. On reste donc loin de l’introduction traumatisante de The Last of Us qui nous mettait directement dans les bottes d’un père en deuil et qui posait les bases de sa relation en devenir avec Ellie. Il faudra attendre les flashbacks pendant l’aventure pour ressentir une vraie empathie pour ce couple séparé et pour Deacon en particulier. Mais cela prend un peu de temps surtout qu’on est noyés d’activités.
Pour autant, je vais m’efforcer de limiter les comparaisons, car passée cette mise en bouche manquant d’impact, on va directement plonger dans ce qui fait le sel de Days Gone : son monde.
Le monde est en effet tombé sans qu’on ne sache comment et des créatures autrefois humaines arpentent le monde à la recherche de viande fraîche. La société s’est réorganisée comme elle a pu en différents camps aux intérêts parfois divergents et on retrouve donc Deacon, sorte de mercenaires (nommés ici Drifters) qui voyage d’un camps à l’autre pour remplir diverses missions, en slalomant entre les Freakers avec son ami Boozer. Et c’est par une chasse à l’homme que débute le titre, un bon moyen de nous introduire les différents éléments du jeu, à commencer par la moto.
Véritable outils, votre chère moto vous servira de mule, de moyen de locomotion et de fuite, et même de point de sauvegarde et de téléportation (point de voyage rapide possible si elle n’est pas dans les environs). Gardez en tête qu’il faudra régulièrement la réparer après une chute ou un affrontement et que – même si le prix du baril est aussi exorbitant qu’aujourd’hui – il faudra faire le plein pour ne pas tomber en rade aux pires moments. Et ils sont nombreux.
Les Freaks c’est chic
Les Freakers sont aussi un autre élément de gameplay important puisqu’ils sont une menace constante et mortelle avec laquelle il faut composer dès qu’on met le nez dehors. Ils sont partout, parfois seuls, de différentes statures, de comportement distincts, parfois en groupe, voire – à certains endroits précis – en hordes de plusieurs centaines. Pire, si vous êtes assez discret et épargnez vos balles en les tuant par derrière à l’aide de votre couteau – heureusement inusable – l’odeur du sang en attirera d’autres, appâtés par un goûteux repas. On peut rapidement se retrouver avec un tas de cadavres et faire un peu de ménage dans une zone, qui se repeuplera assez vite par la suite. Fort heureusement, un radar vous indiquera si des zombies sont à proximité, votre degré de visibilité et le bruit que vous ferez en marchant. Assez d’informations pour esquiver la plupart des rencontres ayant lieu dans la campagne pendant vos nombreux déplacements. Si vous décidez d’opter pour la route, vous devrez passer par de terrifiants tunnels sombres et encombrés de créatures prêtes à vous sauter dessus, ou faire face à un groupe d’humains équipés de fusils de précision qui viseront votre moto, près à vous fondre dessus pour vous arracher vos vivres et équipements.
Un aspect “survie et danger de tous les instants” franchement réussis, puisqu’en plus des Freakers et de certains animaux sauvages (comme les ours ou les loups), les autres humains sont aussi à craindre, quand les 3 ne se mélangent pas. Rien de pire en effet de profiter de la diversion d’un loup s’attaquant à un camp humain pendant la nuit avant de s’apercevoir qu’un groupe de Freakers se joint à la fête alors que vous vous trouvez en plein milieu. Une belle réussite que ce monde ouvert “vivant” et grouillant, peuplé aussi bien d’animaux que de mutants, de scientifiques du NERO que de groupuscules fanatiques et de lieux à découvrir des plus angoissants.
(Mal)heureusement, l’intelligence artificielle des humains n’est pas des plus développées et les missions vous demandant de vider des camps seront l’occasion de le constater. Pas très malins, vos ennemis dotés d’un cerveau en état de marche se laisseront assez facilement dessouder en courant un peu n’importe comment, en se cachant très mal pile devant vous ou encore en ne remarquant pas la disparition successive de leurs alliés. Néanmoins, il vous arrivera parfois de tomber dans des pièges autour des camps ennemis, qui vous paralysent quelques instants, voire complètement, vous rendant à la merci de vos assaillants. Parfois vous serez capturés et devrez vous échapper d’un campement en restant le plus discret possible.
A ce sujet, si plusieurs armes sont disponibles, le syndrome Tomb Raider frappe ici une fois de plus en proposant une arbalète très pratique et puissante ayant le gros avantage de tuer la majorité des ennemis en un coup sans faire le moindre bruit, en contrepartie d’un long temps de rechargement, la rendant inutilisable contre les groupes de Freakers.
En effet, les mutants sont certes décérébrés, mais plutôt véloces et surtout nombreux. Si deux ou trois peuvent devenir dangereux, surtout avec une arme de corps à corps qui s’abîme à chaque coup donné, attendez de voir fondre sur vous les fameuses hordes affamées ! Même en les observant de loin à l’aide des jumelles (qui permet aussi de marquer les ennemis), on est saisi de leur déplacements erratiques mais cohérents, et on est pris d’effrois quand l’un d’eux vous repère et qu’on n’a pas pris le temps de piéger les environs pour se débarrasser du maximum d’ennemis.
Pour se confronter à une horde, il est en effet suicidaire de foncer dans le tas sous peine de voir des mains déchirer Deacon et des bouches se repaître de sa chair en quelques secondes. Il est nécessaire de se déplacer en silence, de placer des pièges explosifs après avoir minutieusement analysé l’environnement. Des barils de combustibles et des camions remplis d’essence pourront ainsi être piégés tandis que des lieux exigus pourront être utilisés pour canaliser le flot de la horde le temps de gagner quelques précieux mètres. Se faire poursuivre par des centaines de Freakers colle une sacrée pression surtout quand vous décidez de quitter les lieux à moto et que l’un d’eux vous désarçonne en vous sautant dessus.
Days Gone tient néanmoins toutes ses promesses avec un bel Open-World riche en activités et littéralement mortel
Outre cela, il faut tout de même admettre que Days Gone possède un côté “Déjà-Vu” : différentes factions à contenter, poursuites, destruction de nids de Freakers pour sécuriser des déplacements rapides, tour à réactiver, camps humain à vider, survivants à sauver au profit des camps et surtout pas mal de fabrication d’objets. Vous passerez en effet votre temps à ramasser tout un tas de trucs dans la nature, camps, dans les voitures et sur les cadavres afin de vous fabriquer des flèches, des soins ou des explosifs, mais aussi de la ferraille disponible un peu partout pour réparer votre arme de proximité (batte de baseball, planche, machette…) mais surtout votre moto ! Heureusement, vous pourrez compter sur les camps alliés mais aussi sur les bunkers vidés d’ennemis pour vous reposer un peu et mettre la main sur de nouveaux plans de fabrication pour améliorer votre équipement.
A l’aide d’un menu radial ralentissant l’action, vous pourrez sélectionner armes et objets, mais aussi fabriquer des soins et des munitions via les gâchettes. Il faut avouer que niveau ergonomie, Bend Studio a vraiment poli le système pour qu’il soit le plus accessible possible. Via la touche R2, vous donnez un coup avec l’arme équipée, une pression sur L2 et vous visez avec l’une de vos deux arme à feu, et passez rapidement de l’une à l’autre via une pression rapide sur la touche Triangle. Une pression prolongée sur cette même touche et vous équipez votre arme spéciale, la sacro-sainte arbalète.
Petite surprise tout de même, puisqu’au milieu de tout cela, Deacon possède un genre de pouvoir (justifié par “mon père m’a appris à pister quand j’étais gosse »… hum) qui lui permet de recomposer certains événements passés et de mettre en surbrillance les éléments à ramasser ou avec lesquels interagir. J’avoue que ce “super-pouvoir” fait un peu tache dans l’ensemble, même si il justifie un peu des phases d’enquête comme on a pu en voir dans The Witcher 3 par exemple.
C’est là l’un des soucis majeur de Days Gone – et qu’on a pu également reprocher à Spider-Man d’ailleurs – le titre ne propose pas de recette originale, que ça soit au niveau de la direction artistique, de la narration ou des activités proposées. Attention, comprenez-moi bien : Days Gone est visuellement très réussi, et se retrouver dans la forêt par une nuit d’orage au bord d’un lac bordé d’arbres battu par les vent est magnifique, le travail du studio n’a pas à rougir face aux plus grosses productions. Le doublage est également de très bonne facture, les activités sont variées, toutes les activités sont séparées en divers arcs permettant de jouer au titre comme bon nous semble (comme le dernier Assassin’s Creed Odyssey, mais en moins contraignant puisque vous pouvez suivre le scénario, ou traquer des nids, gérer les Reapers, soigner Boozer… tout ça sont des arcs différents ) et le monde ouvert est très vivant.
Tout est maîtrisé, mais rien de ce que le jeu propose n’étonne réellement, mis à part la gestion des hordes qui nous met une sacrée pression. Il en existe des tas d’ailleurs, certaines cachées, d’autres bien visibles, voire même en pleine campagne. Et à mon étonnement, leurs apparitions ne sont pas que scriptées. J’ai par exemple vu une horde grouiller aux abords d’un camps sans que cela ne soit reliée à une mission ou événement. Elle était juste là, près d’un lac et sa vision inattendue m’a fait faire un énorme détour, ce qui m’a amené à visiter des lieux que je n’aurais sans doute jamais pris la peine de rejoindre. A ce propos, l’accès aux différents menus (les améliorations de Deacon – à ne pas négliger, elles sont salvatrices, comme la réparation d’arme, l’augmentation de l’endurance ou la pénétration des balles – la carte, les objectifs…) se font via une simple pression sur le pavé tactile, mais aussi – et c’est là que c’est plus malin – en glissant son doigt dans l’un des quatre directions du dit pavé. en glissant son doigt vers la droite, on ouvre ainsi directement la carte. Pourquoi personne n’y avait pensé avant ? On aimerait voir ça appliqué à plus de jeu !
La perfection n‘existe pas
Comme je l’ai mentionné, Days Gone est visuellement très réussi, avec ses différentes régions, mais aussi avec ses effets météos magnifiques (le vent battant les arbres est une merveille à regarder) et des ambiances lumineuses ou crépusculaires à tomber. Mais il y a aussi quelques textures un peu moches (approchez-vous des véhicules) et quelques chutes de framerate lors des phases en moto ou dans la seconde partie du jeu.
Je regrette aussi les phases scriptées qui nous sortent un peu du jeu, comme lorsque nous arrivons sur un lieu d’une mission et que le jeu force le passage à la nuit pour une raison purement scénaristique (qui nous cause souci, vu que la nuit, le Freakers sont plus dangereux, retirant donc un aspect stratégique au jeu), mais ce qui m’a vraiment déplu, ce sont les fondus au noir en guise de transition à chaque occasion (après un dialogue par exemple). Deacon se fait tirer dessus ? Fondu au noir quand il commence à se relever, puis reprise 2 secondes plus tard pour débuter la conversation avec ses alliés. Et ce parfois 4 ou 5 fois en l’espace de 3 minutes.
Quand cela se produit lors des phases narratives, cela en devient vite irritant. Ce n’est pas un défaut grave, mais l’expérience globale étant tellement fluide en dehors de cela que ça en devient un vrai défaut. Avec une version pré-sortie (et 4 patchs déjà), j’ai aussi constaté des bugs de son, l’ambiance sonore disparaissant à un moment sans jamais revenir (plus de vent, plus de bruit de moto, plus rien sauf la voix de Deacon et la musique). Ceci devrait se régler rapidement, mais c’est à souligner. Quelques bugs de scripts sont aussi présents, comme lors des missions d’escorte qui vous oblige à rester tout près de votre protégé sous peine de voir la mission échouer… même si cela vous empêche de le laisser en arrière pour faire le ménage devant vous. On sent tout de même que Bend Studio n’est pas Naughty Dogs en terme de moyen même si la promesse initiale du titre est tenue : les Hordes sont là, fluides, agressives, monstrueuses et impitoyables.
Conclusion
Sans faire partie des “Exclusivités qui claquent” de chez Playstation à l‘image de God of War, Uncharted 4 / Lost Legacy ou Spider-Man, Days Gone tient néanmoins toutes ses promesses avec un bel Open-World riche en activités et littéralement mortel. Son plus gros défaut reste finalement d’être une exclusivité disposant peut-être de moins de ressources que les gros studios de Sony et de passer après toutes les autres. C’est donc l’échelle de comparaison très élevée qui lui fait défaut, parce qu’en substance, il s’agit d’un jeu qui vaut totalement son acquisition !
Days Gone
- Développeurs Bend Studio
- Type Aventure en monde ouvert
- Support PS4
- Sortie 26 Avril 2019