Adoubé par White Wolf, le studio français Cyanide livre son interprétation de la licence de jeu de rôle Werewolf The Apocalypse – Earthblood sous la houlette de Nacon. Aux commandes de loups-garous éco-terroristes, cette adaptation n’a peut-être pas eu les moyens de ses ambitions.
Werewolf The Apocalypse – Earthblood
Supports : PC, PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series
Genre : Action, Infiltration
Date de sortie : 04 février 2020
Editeur : NACON
Développeur : Cyanide
Multijoueurs : Non
Werewolf The Apocalypse – Earthblood ressemble à une partie de jeu de rôle jouée seul.
- Construit comme une partie de jeu de rôle
- Certains décors
- Bien sanglant
- Assez respectueux de la licence
- Quelques choix de dialogues
- L’infiltration est flinguée
- Les combats sont brouillons
- Les personnages sont inintéressants
- L’aspect « Arène » répétitif du jeu
- Obscur pour les néophytes
- Visuellement daté
- Structurellement daté
- « The Princess is in Another Castle »
- Zones ouvertes limitées et peu exploitée
Le Kaos, La Tisseuse et le Ver
Moins connue que la licence Vampire : The Masquerade, Werewolf The Apocalypse est pourtant extrêmement riche en terme de lore et de systèmes. Mettant en scène une douzaine de tribus de loups-garous aux idéaux très différents et en proie à leur propre bestialité, Werewolf The Apocalypse présente une Trinité créatrice née de Gaïa – la Terre-Mère – qui sera au cœur de toute l’histoire du jeu.
Pour les profanes, Les garous de la licence sont les défenseurs de la planète, une thématique très actuelle mais désespérée. En effet, les Garous sont sur le déclin, déchirés par des guerres intestines et trop faibles pour contrecarrer les méfaits de l’homme sur son environnement. Défenseurs de Gaïa, ils sont en conflit permanent avec celui qui menace toute vie de destruction : le Ver (The Wyrm). Ce dernier est ce qu’on pourrait appeler une manifestation de toutes les pulsions et instincts corrupteurs de l’existence. Tout ce qui pousse l’humanité à la haine et à la destruction est inspiré par le Ver.
Pour vous mettre un peu de mythologique, l’origine de la création est due à trois entités : le Sauvage, l’énergie brute du monde, qui permet toute chose, mais la modifie instantanément, la Tisseuse, qui tisse la Toile du Motif, c’est-à-dire la réalité à partir des créations du Sauvage et représente ce qui est progrès réfléchi. Enfin, le Ver jouait au départ un rôle de régulateur, empêchant le Sauvage de créer et de changer continuellement et empêchant la Tisseuse de figer toute chose dans la Toile du Motif, afin de garder une certaine harmonie. Mais la Tisseuse devint folle, tissant plus vite pour fixer une fois pour toutes la réalité et emprisonner toute chose dans la Toile. Le Ver tenta de suivre le rythme afin de contenir l’expansion de la Tisseuse mais il se retrouva prisonnier de la Toile, et devint fou lui aussi, abandonnant son rôle d’équilibre pour revêtir celui de destructeur irraisonné, amenant corruption, haine, pollution, et tous les vices sur Terre.
Si je vous présente cela un peu longuement, c’est que le jeu se réfère sans cesse à ces principes sans pour autant vous les développer plus avant au-delà de la cinématique du début.
Captain Planète
Il sera question d’incarner Cahal, un Garou de la tribu (Caern) Fianna, dans une quête désespérée contre la société Endron, une filiale pétrolière du groupe tentaculaire Pentex. Si la société semble œuvrer pour un avenir radieux en développant un biocarburant, elle implante également d’étranges bases polluantes au quatre coins du pays, et en plein territoires Garous. C’est lors d’un raid contre l’une des usines d’Endron que Cahal perdra sa femme, violemment mise à mort par un Black Spiral Dancer (une tribu Garou soumise au Ver – on aurait aimé avoir un peu de background là-dessus, Cyanide) et se laissera gagner par la Rage, un état qui lui ôte toute lucidité. Apeuré par cet état incontrôlable, Cahal décide de quitter son Caern pour ne pas mettre sa fille unique en danger et combattre Endron de son côté. 5 ans plus tard, il tombe par hasard sur un plan d’attaque d’Endron envers son Caern et décide de revenir leur prêter main forte.
Je vous ai ici résumé en gros le tout début de Werewolf The Apocalypse – Earthblood, afin de planter le décor au cas où vous seriez tenté par l’aventure.Car tenez-vous le pour dit : le jeu de Cyanide ressemble beaucoup à une campagne de jeu de rôle partant du principe que tout le contexte et la terminologie vous sont acquises. Ne comptez pas sur un glossaire ou autre encyclopédie pour vous y repérer.
Concrètement, vous allez incarner Cahal dans différentes missions qui entremêlent infiltration et combats dans les bases d’Endron d’abord autour de son Caern, puis dans le Nevada, dans une prison de haute sécurité et sur une plateforme pétrolière. Les deux premières zones représentent des étendues assez grandes et ouvertes constituées de votre camp de base et de différentes bases ennemies à aller vider au cours de l’histoire. Si comme moi vous pensiez pouvoir traquer de nuit les agents d’Endron dans la forêt ou partir en meute, oubliez tout ceci : vous serez le seul à vous battre malgré la présence d’autres membres de votre espèce au sein de vos alliés.
Si votre beau-frère aurait pu constituer un bel allié pendant une partie de l’aventure, le jeu s’arrangera toujours pour vous séparer dés le départ. Même constat du côté d’Ava, d’avantage versée dans le piratage informatique que dans le carnage, et je ne parle même pas de la fille de Cahal, qui refuse son héritage Garou pour saboter Endron de l’intérieur. Au Nevada, vous rencontrerez un autre Caern (les Red Talons), mais courroucés par la présence humaine venue avec Cahal combattre Endron, ils ne vous prêteront pas main forte.
Infiltration ratée
Bref, tous les prétextes sont bons pour vous envoyer seul mener toutes les missions chez l’ennemi. Et pour cela, notre bon motard à la moustache de dandy aura plusieurs cordes à son arc : sous sa forme humaine, il pourra utiliser une arbalète, tuer les ennemis furtivement ou encore utiliser la technologie pour couper les caméra ou ouvrir des portes. Sous sa forme de loup – que vous pouvez activer à n’importe quel moment – il évoluera plus rapidement et plus discrètement, mais il pourra aussi utiliser les conduits d’aération. Enfin, dans les zones peuplées d’ennemis, Cahal pourra passer en forme de loup-garou pour faire un carnage autour de lui.
Cette forme dispose en plus de deux postures : une plus rapide et agile, une autre plus puissante et résistante. Une pression sur une gâchette permet de passer instantanément de l’une à l’autre, tandis que chaque forme déverrouille au fil des niveaux de nouveaux mouvements et coups spéciaux, tandis que chaque forme dispose d’un soin. Plus il encaisse des coups et tue ses ennemis, plus Cahal engrange de la rage, indispensable à ces mouvements. Une fois la jauge pleine, il peut également activer une furie dévastatrice. Cahal dispose aussi d’une esquive, mais qui n’est pas toujours très utile, sauf contre les combats de boss, où il ne faut gérer le plus souvent qu’un seul ennemi.
Et autant vous dire que la forme de combat est celle que vous verrez le plus souvent, étant donné que la moindre alerte dans chaque zone déclenche une pluie d’ennemis de tout genre sous forme de vagues à désosser. Et ne croyez pas pouvoir gérer correctement la furtivité pour esquiver les combats, au mieux, vous aurez assez de temps pour saboter les portes qui blesseront les vagues d’ennemis à leur arrivée, mais il est très rare de pouvoir passer une salle sans se faire détecter.
Côté ennemis, cela reste assez varié, allant des troufions de base aux abominations mutantes en passant par les tireurs de balles d’argent (qui diminuent votre jauge de santé maximale jusqu’à la fin du combat), les exosquelettes de combat et les “brutes”, sortes de surhommes dopés par Endron avec une substance étrange. On passe donc d’arènes en arènes en suivant les objectifs, qui sont un peu tous les mêmes, à savoir pirater un terminal ou libérer la fille de Cahal, qui a la fâcheuse habitude de toujours “être dans un autre château” si vous voyez ce que je veux dire. Au niveau du gameplay donc, on s’infiltre, on sabote un peu, mais on fini toujours par sortir les griffes dans chaque zone parce qu’au final, on n’a pas trop le choix.
Bref, en terme d’infiltration, on reste très dubitatif face au même studio qui a développé les deux excellents épisodes de Styx, bien plus riches et réalisés que Werewolf The Apocalypse – Earthblood.
Cahin-Cahal
Je ne vais pas vous mentir : j’ai été très déçu de Werewolf The Apocalypse – Earthblood. Si la réalisation technique est loin d’être réussie – en témoignent les visages, expressions et les décors semblables d’un bout à l’autre de l’aventure – ce n’est pas réellement le plus dérangeant.
Le jeu est construit comme un titre de 2010, avec son gameplay à la Splatterhouse, ses deux grandes zones ouvertes, où les bases ennemies encerclent le petit camp des héros (mais qu’attendent-ils pour les décimer ?), où chaque pièce d’une base ne communique pas avec les les autres (vous pouvez trucider 50 gus dans une salle sans éveiller la moindre alerte dans la pièce à côté), où les PNJ sont presque tous réduits à leur fonction et sont très peu développés (pourquoi Ava est-elle une Marcheuse de Verre dans votre clan par exemple ? Qui est vraiment Rodko ?) rendant leur disparition anecdotique. Le jeu va quand même jusqu’à présenter un groupe éco-terroriste humain nommé “Lambda” œuvrant aux côtés des garous, on ne peut pas faire plus explicite : ils font tapisserie tout le jeu.
Le fameux plan “Earthblood” de la machiavélique Endron est dévoilé lors d’un simple dialogue à distance – en même temps que la mort d’un allié proche de Cahal – mais on s’en fout – tandis que l’obstination des vilains à enlever sa fille reste très floue et déconnectée de l’intrigue principale. L’enlèvement n’apparaît ici que comme un prétexte pour avancer et infiltrer divers lieux occupés par Endron. Pire encore, le jeu nous présente un choix final censé être déchirant, mais qui tombe complètement à plat à cause des éléments cités plus hauts.
On gardera les petites quêtes annexes – très peu nombreuses – qui nous font voyager un peu dans les zones ouvertes, quelques plans dans les décors et quelques dialogues à choix multiples (qui nous permettent de solutionner une étape dans la diplomatie, ou si on ne veut pas perdre de temps, en tuant tout le monde – amusant). Pour le reste, on avance dans le jeu en tuant tout ce qui respire dans des arènes copiées / collées, sans trop s’impliquer dans l’histoire, l’univers et les personnages… ce qui est vraiment dommage pour ce type de licence. J’aimerai voir Cyanide creuser cette licence – d’autant que le final appelle une suite potentielle – avec plus de moyens, car ils ont montré ici qu’ils avaient compris ce dont ils parlaient, mais sans parvenir à le mettre en musique.
Werewolf The Apocalypse – Earthblood
En bref
Malheureusement, Werewolf The Apocalypse – Earthblood ne peut pas être qualifié de réussite pour Cyanide. Très inégal techniquement, daté dans sa construction et plutôt limité – bien que respectueux – dans sa narration, le jeu ressemble à une campagne de jeu de rôle jouée par un seul joueur, mais pas à un jeu vidéo autonome. On sent que le studio maîtrise le lore, mais on devine un budget trop limité pour lui faire honneur.
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