L’actualité ces derniers mois étant assez lourde en terme de malheur, il faut avouer qu’il nous arrive de regarder cela de loin, avec détachement, même quand le malheur arrive finalement près de nos portes. Ainsi sommes-nous taillés. Avec This War of Mine, le studio polonais 11 bits tend bien à nous faire réaliser l’horreur de la guerre non pas dans la peau de militaires surentraînés, mais bien à travers le quotidien de personnes normales, obligées de survivre au milieu des snipers et des bombes, dans la ville en guerre de Pogoren.
La guerre n’est pas un jeu
Et c’est le message qui semble s’imposer alors que les jours s’égrainent et qu’il manque de tout : de la plus sommaire nourriture à un simple lit pour se reposer, en passant par les récupérateurs d’eau ou quelques outils rudimentaires. Chaque jour est littéralement une bataille pour la survie, les menaces affluant de toute part. Si la journée est dédiée à l’aménagement de notre repaire, à la préparation de la nourriture et à la construction de divers outils, voire au troc ou à l’entraide entre voisins, les activités nocturnes restent des moments de tensions perpétuels. Si les snipers dorment, il n’en est pas forcément de même pour certains militaires bien armés, d’autres groupes de survivants organisés ou des familles démunies prêtes à défendre farouchement leurs maigres ressources. Si certains de vos survivants (4 au total) sont mieux préparés au combat, il est difficile de ne se reposer que sur eux nuit après nuit, la fatigue influant sur leur moral, leurs performances ou leur faculté de guérison, si d’aventure vous disposez de quelques bandages dans votre pharmacie.
Le combat est d’ailleurs à envisager en tout dernier recours, influant dramatiquement sur le moral de chacun (“Pourquoi avoir tué cette personne ? Elle avait peut-être de la famille, ne vaux tu pas mieux que cela ?” ou “Pourquoi avoir volé ces personnes ? Elles avaient certainement autant besoin que nous de ces ressources”), et est souvent à votre désavantage, à moins de ne vous en prendre qu’à des personnes âgées sans défense. Prenez garde aussi à la mélancolie, véritable fléau qui risque fort de paralyser certains de vos survivants, voire même de précipiter leur trépas…
Si vous trouverez parfois des armes, et des munitions, ou encore des gilets de protection, il faudra peut-être vous en délester lors de vos sorties en vue de récupérer des ressources plus importantes, comme des médicaments, du tabac (pour ceux qui fument), de la nourriture ou quelques éléments de craft indispensables pour la survie du refuge. Les inventaires de chacun étant très rapidement remplis, vous devrez peut-être parfois revenir plusieurs fois dans les mêmes lieux, en prenant garde que vos actes passés avec les habitants des lieux ne se retournent pas contre vous…
La nuit est également le moment où d’autres groupes s’aventurent dehors et votre abris pourrait être la cible de pillages. Quel bonheur d’avoir mis la main sur de la nourriture lors de votre sortie nocturne, et quelle frustration de constater au petit matin que votre stock de médicaments a été dérobé alors que l’enfant est malade et que le survivant de garde se retrouve couvert de blessures…
Les petits
Nouvel ajout de cette version console : les enfants. Ceux-ci n’étant pas aussi dégourdis que les adultes, ils représentent les éléments à préserver au mieux tout en vous handicapant quelque peu. S’ils sont incapables de sortir la nuit ou de fabriquer des éléments complexes ou dangereux, il vous est tout à fait possible de leur enseigner des choses, comme utiliser des filtres pour fabriquer de l’eau potable, afin qu’ils se rendent utile sans consommer de vos ressources “gratuitement”. Car oui, votre moralité sera mise à rude épreuve lors des longs jours qui vous séparent de la fin de la guerre. Cette bouche à nourrir inutile est-elle un danger pour nous ? Sommes-nous assez forts mentalement pour en prendre soin, quitte à sacrifier des médicaments ou des repas indispensables pour son bien-être ? Question d’éthique, les enfants ne meurent pas, ils disparaissent simplement du refuge, là où les adultes peuvent décéder de maladie, de blessure… ou mettre eux-même fin à leur jours.
La possibilité de créer sa propre histoire est un autre ajout des plus intéressants. En sélectionnant tous les paramètres de la partie (durée du conflit, rudesse de l’hiver, lieux environnants, profil des survivants…) il vous est donc possible de créer votre histoire et d’essayer de survivre jusqu’à la fin du conflit. A vous alors de tenter des histoires liant des profils complémentaires ou au contraire très différents (ceux doués au combat, ceux qui savent cuisiner, les experts en marchandage accrocs à la cigarette ou les pros de la furtivités caféïnomanes) en vue de survivre à cet horrible conflit.
D’autres survivants pouvant venir frapper à votre porte, apportant parfois des cadeaux, venant faire du commerce ou simplement venant demander de l’aide, à vous de décider si vous les ignorez, quitte à vous saper le moral, ou si vous prenez le risque de les aider. De même, les séquences de nuit demandent une certaine préparation, surtout si vous souhaitez faire du troc dans un autre abris, si vous vous décidez à prendre des risques pour quelques boîtes de conserve ou si vous voulez explorer un lotissement envahi de gravats… le contenu de votre sac à dos sera alors bien différent au moment de votre départ, mais remplissez-le de façon intelligente avec un seul objectif en tête sous peine de revenir les poches vides, en ayant perdu une nuit de collecte.
Conclusion
This War of Mine The Little Ones touche exactement là où il fallait en proposant une expérience de survie qui n’est à aucun moment amusante, mais constamment désespérée. La musique lourde et les graphismes grisâtres accentuent cette impression et on n’a jamais l’impression d’être en sécurité plus de quelques minutes. Comme dans la vie réelle, tuer pour sa propre survie laisse des séquelles et notre propre moralité est remise en question alors que les nôtres meurent et que ce qui pourrait les sauver se trouve en la possession d’autres personnes. Les enfants apportent un véritable challenge réaliste, comme un poids supplémentaire à gérer d’un point de vue purement stratégique, mais à qui il est possible d’apprendre des tâches simples pour qu’ils fassent leurs parts également. This War of Mine The Little Ones n’est pas drôle, ni même plaisant à jouer. Pourtant, l’expérience qu’il procure laisse des traces et parvient à questionner le joueur sur son rapport distant à la guerre. Et ce n’est pas rien.
This War of Mine : The Little Ones
- Développeurs 11bits Studios
- Type Survie
- Support PS4, XBox One
- Sortie 29 Janvier 2016
Y’a bon!
- Les choix moraux constants
- L’ambiance sonore et visuelle
- Les enfants bien intégrés
- On s’attache aux personnages
- Ecrire sa propre histoire, une rejouabilité infinie
- La survie sur le fil
- l’exploration nocturne toujours dangereuse
- Hors jeu : l’implication du studio auprès de Wild Child Charity
Beuargh!
- Maniabilité au pad pas toujours très simple
- Les dialogues qui se chevauchent parfois
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