Si vous cherchez un roman graphique qui allie énergie, émotions et une vraie réflexion sur l’amitié et la persévérance, Roller Girl de Victoria Jamieson est sans doute pour vous. C’est un roman graphique destiné aux lecteurs de l’école primaire et début secondaire capture avec justesse les tumultes de l’adolescence.
Une histoire de découverte et d’émancipation
L’histoire suit Astrid, une jeune fille pleine d’énergie qui, un jour, assiste à un match de roller derby avec sa meilleure amie. C’est une révélation : les joueuses lui apparaissent comme de puissantes guerrières modernes (les fans de mangas y verront un lien avec le Motorball de Gunnm, les cinéphiles penseront à Rollerball). Dès lors, une obsession naît en elle : elle veut devenir une roller girl. Quand elle apprend l’existence d’un camp d’entraînement d’été, elle s’y inscrit immédiatement, persuadée que sa meilleure amie la suivra dans cette aventure – car c’est ce que font les meilleures amies non ? Mais voilà, la vie ne fonctionne pas toujours comme prévu et cette dernière préfère partir en camp de danse, laissant Astrid seule face à cette nouvelle expérience.

C’est ici que Roller Girl se distingue des histoires classiques sur l’amitié. Plutôt que de tomber dans la facilité, le récit nous plonge dans la douleur d’une séparation progressive, l’évolution de deux personnes qui grandissent et évoluent différemment. Astrid doit apprendre à exister sans son amie de toujours tout en s’affirmant dans un univers inconnu et exigeant. C’est un véritable rite de passage, où la douleur physique des entraînements reflète les blessures émotionnelles qu’elle traverse.
Du haut de ses 12 ans, Astrid est un personnage qui sonne juste. Elle est têtue, parfois maladroite dans ses relations, prompte à juger trop vite, mais c’est précisément ce qui la rend si attachante. Son évolution ne se fait pas sans heurts : elle tombe, se trompe, fait des erreurs de jugement, notamment lorsqu’elle pense que Rachel, une autre fille de son école, cherche à lui voler sa meilleure amie. Mais à travers ces faux pas, elle apprend et grandit.
L’un des aspects les plus intéressants du récit réside dans la façon dont l’autrice Victoria Jamieson évite les conclusions faciles. L’histoire ne se termine pas par une réconciliation magique ni par une transformation soudaine d’Astrid en championne du roller derby. À la place, nous avons une progression réaliste : Astrid s’améliore, mais elle n’est pas encore une star ; son amitié évolue, mais ne redevient pas ce qu’elle était. C’est ce réalisme qui rend le livre aussi fort.


L’un des points forts du livre réside dans la manière dont les illustrations servent la narration. Chaque case est pensée pour transmettre une émotion ou une action précise. On ressent la chaleur écrasante de l’été, l’excitation des matchs, la solitude d’Astrid lorsqu’elle rentre seule chez elle.
Outre l’amitié et la persévérance, Roller Girl aborde des thématiques essentielles avec subtilité. L’inclusivité, par exemple, est intégrée sans que cela devienne forcé. Astrid est d’origine portoricaine, mais cela ne définit pas son identité, c’est simplement un élément de sa vie, traité avec une normalité plutôt absente des productions modernes. De même, la place des femmes dans le sport est mise en avant sans discours moralisateur : les joueuses de roller derby sont fortes, talentueuses, inspirantes, et elles évoluent dans un univers où la compétition et l’entraide coexistent. Et si les chaussettes arc-en-ciel sont bien présentes, avec la thématique que cela induit, elles ne sont qu’un élément visuel de l’univers, pas un forcing inclusif moralisateur.
À travers une histoire simple, Victoria Jamieson offre un récit qui touche. Que l’on soit enfant ou adulte, il est facile de se reconnaître dans les doutes, les espoirs et les défis d’Astrid que l’on a pu nous-même connaître. Son parcours n’est pas seulement celui d’une fille qui apprend un sport, c’est aussi celui d’une jeune personne qui apprend à se connaître, à accepter le changement et à trouver sa place. Ce n’est pas juste une histoire sur le roller derby, c’est une ode à la résilience, au courage et à l’amitié sous toutes ses formes. Un véritable coup de cœur, à mettre entre toutes les mains.