« Le dessous des cartouches »

Console ayant grandi dans l’ombre de la PlayStation, la Nintendo 64 a accouché du Zelda universellement reconnu comme le chef d’œuvre ultime de Nintendo. En 1998, Ocarina of Time sort et met à l’amende tous les jeux d’aventure parus jusqu’alors.

Dans l’euphorie, Shigeru Miyamoto veut surfer sur ce succès et faire une sorte de remake d’OoT. Mais Eiji Aonuma ne l’entend pas de cette oreille. L’ambitieux level designer, chargé de la réalisation des donjons d’Ocarina of Time (le temple de l’eau qui a hanté vos cauchemars, c’est lui) veut carrément créer un nouveau jeu, lié à OoT mais indépendant de son grand frère. Miyamoto n’est pas contre mais lui répond : « ok mec, pas de problème, mais tu as un an et pas un jour de plus pour me sortir un jeu potable. Sinon c’est mort. ». Le défi est corsé, Ocarina of Time ayant demandé trois ans de préparation. Mais Eiji n’a même pas peur et hop! En 1999 sort officiellement The Legend of Zelda : Majora’s Mask. Et depuis, Eiji Aonuma est le directeur de la licence Zelda. Coïncidence ? Pas du tout, Majora’s Mask est simplement le plus grand jeu Zelda de tous les temps, et je vais vous expliquer pourquoi. Avec humilité et (un peu de) spoilers.

Si Majora’s Mask est la Joconde de Nintendo (c’est-à-dire un chef d’œuvre incontestable mais toujours incompris des profanes), c’est précisément parce qu’il rompt avec beaucoup de codes de la série, alors même qu’Ocarina of Time les avait étalés à la face du monde un an plus tôt. Ici, point de princesse à sauver ni de Seigneur du Malin à terrasser. Juste un masque à récupérer, un petit con à punir, et accessoirement un monde à sauver. En trois jours.

Le temps d’une mélodie…

Votre nouvelle chanson préférée: le chant du temps
Votre nouvelle chanson préférée : le chant du temps et ses déclinaisons !

Et c’est autour de ces trois jours que le système de jeu sera mis en place. Jouez avec le temps, accélérez-le, passez au jour suivant, revenez en arrière…le point d’orgue, le fameux chant du temps d’Ocarina of Time, vous permettra même de revenir à l’aube du premier jour et de sauvegarder ! Surprenant voire carrément frustrant au début, on finit par s’habituer à cette machinerie infernale qui joue avec notre esprit, et au bout de quelques heures, on se rend compte que c’est simplement une idée de génie. En nous offrant la possibilité de revenir au premier des trois jours quand bon nous semble (tout en gardant certains éléments nécessaires à l’avancée dans le jeu), Majora’s Mask nous permet en quelque sorte de recommencer le jeu à l’infini. Et comme un éternel recommencement, on se surprend à découvrir sans cesse de nouvelles quêtes annexes ou de nouveaux horizons qui nous avaient jadis échappés.

Elle est vraiment pas contente, la lune...
Votre principale menace semble de bonne humeur…

Ainsi, Majora’s Mask est moins un jeu d’aventure que d’exploration. Sa trame principale longue de quatre donjons ne vous prendra guère plus de temps que l’ensemble des quêtes annexes, souvent amusantes et qui vous obligent à fouiner un peu partout dans le monde de Termina. Et pour ça, Majora’s Mask est super agréable à jouer, il se renouvelle sans cesse là où Ocarina of Time était bien plus linéaire. Bourg-Clocher et ses alentours sont vivants, très vivants, bien plus qu’Hyrule version OoT, et de chaque PNJ peut naître une discussion amicale, un échange avec le voisin, un pas supplémentaire dans une quête que l’on ne cherchait même pas vraiment à faire, une petite bouffée d’air frais dans un monde bientôt anéanti.

« JAPOOOOOON !!!! »

Bientôt anéanti, car la Lune fixe le monde de Termina de ses yeux vifs et rougeoyants. Et de son regard qui vient balayer Bourg-Clocher naît une ambiance pesante et particulière qui fait tout le charme de ce Zelda. Majora’s Mask est un jeu fou, malsain et perturbant par moments. Une lune aux allures menaçantes, un vendeur de masques trop souriant pour être honnête, Link et son cri d’horreur à chaque nouveau masque, des esprits dans un cimetière, Majora’s Mask dévoile sa folie à mesure que l’on avance et que l’on collectionne les masques.

Enchanté, moi c'est Link
Enchanté, moi c’est Link

Majora’s Mask est également bourré de bonnes vieilles japonaiseries comme on les aime. Les japonaiseries, pour faire simple, sont des trucs « WTF mais pas tout-à-fait, mais un peu quand même » (c’est plus clair, non ?). On pense à Tingle, ce lutin de 35 ans qui vend des cartes en se prenant pour une fée, on pense à ces affreux Gibdo et leur ballet classique synchronisé dans le château d’Ikana, on pense à ce goron coincé dans la montagne qui attend qu’on lui apporte une côte de bœuf… Et puis on pense à Link lui-même, avec toutes ses transformations en poisson, en géant, en quadruple clone de lui-même, en Mojo…Toutes ces japonaiseries renforcent le timbre si perturbant et décalé de ce Zelda pas comme les autres.

Côté technique, toujours la même recette : si les graphismes sont globalement assez moyens (ce qui participe sûrement à cette ambiance particulière), la bande-son et la direction artistiques sont magistrales et confèrent à ce Zelda un charme incroyable.

Majora’s Mask est le plus japonais des Zelda. Parce qu’il prend le risque de créer une ambiance, une histoire et un univers cohérents et originaux, Majora’s Mask est un chef d’œuvre. Prenant, surprenant, déroutant même, Majora’s Mask est une oeuvre bien pensée et riche en détails qui transforment l’aventure en une quête vivante et envoûtante. Nintendo a laissé carte blanche à leur jeune poulain de l’époque, Eiji Aonuma ; sans pression, celui-ci s’est dit que dans son premier jeu, Link pourrait remonter dans le temps transformé en poisson à la recherche d’un facteur pour retrouver le fils du maire. The Legend of Zelda : Majora’s Mask aurait pu être un grand n’importe quoi. Résultat : ça l’est, mais c’est génial.

Et pour finir, un magnifique fan art qui aurait pu/dû être la cover du jeu
En bonus, un fan art qui illustre le jeu à merveille
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Petit Ange Parti Trop Tôt

Parfois, un Pixel s'éteint et vogue vers d'autres horizons. Mais ce n'est pas parce qu'il ne fait plus partie de notre grand barbecue que ce qu'il a écrit disparaît !

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