Et bien nous y sommes : le nouvel épisode de la série Ryu Ga Gotoku est enfin sorti sous nos latitudes sous le titre Yakuza Like a Dragon, tandis que le Japon l’a reçu sous l’appellation Yakuza 7 au début de l’année. Après un Yakuza 6 : Song of Life qui mettait le légendaire Kazuma Kiryu à la retraite pour de bon, l’enjeu de cet épisode est de nous faire aimer un nouveau venu sous les traits d’Ichiban Kasuga.
Yakuza Like a Dragon
Supports : PC, PS4, PS5, Xbox One, Xbox One X|S
Genre : JRPG
Date de sortie : 10 novembre 2020
Editeur : SEGA
Développeur : Ryu Ga Gotoku
Multijoueurs : Non
Yakuza: Like A Dragon est une porte d’entrée originale à la série qui a su conserver ses forces
- Ichiban et sa clique de bras cassés
- Yokohama fourmille d’activités
- Une histoire somme toute plus sombre, dans la même veine que les précédents
- Beaucoup de WTF
- La gestion d’entreprise
- Sous-titré en français
- Toutes les références à la série
- Une progression plus lente
- Un système de combat au final encore maladroit
- Le côté « Shonen » classique pour plaire aux nouveaux venus
- Le donjon sous Yokohama, peu intéressant à parcourir, mais indispensable
- Les bars à hôtesses, insignifiants
- Les jobs ne donnent au final que peu de choix aux joueurs pour être efficaces
- La caméra parfois jouette dans les espaces clos
Like a Dragon
Et la tâche n’étant pas de plus simples, le studio de Sega a décidé de tout repenser pour faire ce cet épisode un genre de reboot de la franchise. Adieu – ou presque – le quartier mythique de Kamurocho, adieu – ou presque – Kiryu et les légendes mafieuses du quartier chaud de Tokyo et au-revoir même le gameplay Action-RPG. Nous voici avec un Yakuza qui repense son héros, son ambiance et son gameplay en vue de plaire à une nouvelle génération. Si l’on en croit la preview de Nadiro, totalement profane dans cette licence, le pari est gagnant pour Yakuza Like a Dragon. Pour les fans de la série, il va falloir passer par une courte phase de deuil avant d’embrasser pleinement la proposition déjantée de ce nouvel épisode.
Tout d’abord, il va nous falloir aimer ce nouveau personnage nommé Ichiban Kasuga, Yakuza de la famille Arakawa du Clan Tojo. L’aventure débute à Kamurocho à l’aube de l’an 2000, alors que le Japon s’apprête à fêter le passage à la nouvelle année. Ce personnage n’est pas un nouveau Kiryu, prenez-le pour dit. C’est même son exact opposé en bien des points, de son caractère enjoué et extraverti jusque dans son dress code, qui le voit porter un costume pourpre et une chemise blanche, le parfait contraire du Dragon de Dojima. Le message est clair : Ichiban (“Le meilleur”) n’est pas une légende, c’est même tout le contraire.
Si Kiryu a eu la chance d’être élevé par un ponte du clan Tojo et profitant d’une aura particulière dès le début de l’histoire, Ichiban a été abandonné à la naissance dans un soapland, et ce sont littéralement les bas quartiers qui l’ont élevé. Suite à un coup de bluff et de volonté de sa part, il intègre la famille Arakawa, considérée comme une des plus redoutable de la ville, et il se révèle d’une loyauté indéfectible envers le patriarche.
Yakuza en bas de l’échelle, Kasuga n’en est pas moins quelqu’un de bon qui prend son rôle au sérieux au sein de la famille pour faire régner l’ordre à Kamurocho. Sa vie va basculer au premier jour de l’an 2001, quand son patriarche lui demande d’endosser un crime commis par son bras droit et de purger la peine de prison à sa place.
Trop heureux de prouver sa loyauté, l’ingénu Kasuga va passer 18 années derrière les barreaux et à sa sortie, constater que le monde a bien changé en son absence. Le Japon a en effet mené une vaste campagne d’épuration de la pègre dans le pays (ce qui a vraiment eu lieu, en vue des JO de 2020, aujourd’hui annulés à cause du COVID-19), ayant mené à la disparition complète du Clan Tojo de Kamurocho au profit des yakuzas antagonistes de la série : le clan Omi.
La claque est grande pour Ichiban, mais ce n’est pas la dernière surprise qui l’attend. En effet, son patriarche, l’homme qu’il respecte le plus au monde et pour qui il a perdu 18 années semble avoir trahi le clan Tojo est est maintenant une figure importante du clan Omi. Et quand son ancien protégé lui demande des comptes, c’est d’une balle dans la poitrine qu’il le reçoit. Quand Ichiban se réveille, vivant et recousu, c’est pour se retrouver dans les poubelles d’Isezaki Ijinsho, le quartier le plus pauvre de Yokohama, parmis les mendiants et les parias, un faux billet ensanglanté dans la poche.
Poisson Dragon
Comme je le disais, Kasuga n’est pas Kiryu. C’est un ancien yakuza, renié par les siens, sans famille et ayant passé la moitié de sa vie derrière les barreaux, rêvant de l’accueil que lui feraient les siens après son geste héroïque. A l’aube de la quarantaine, il reste un adolescent fan de Dragon Quest et désireux d’apporter son aide où il peut, à l’image de l’ancienne école des Yakuzas. On ne va pas se mentir : il coche parfaitement toutes les cases des héros de Shonen de ces deux dernières décennies : bruyant, fonceur, peu réfléchi mais toujours prompt à aider les gens en détresse sans rien attendre en retour, prêt à écrire sa légende Kasuga s’adapte à une nouvelle génération de joueurs et dédramatise le ton. Alors oui, l’histoire générale fait honneur à l’héritage de la série, autour de manipulations politiques et mafieuses, pleine de rebondissements et dans un nouveau lieu qui est en apparence une poudrière prête à exploser.
Ijinsho est en effet coincé dans une impasse “mexicaine”, où 3 grandes puissances se partagent le territoire : les yakuzas du clan Seiryuu, les chinois de Liumang et les coréens du Geomijul. Tous trois se regardent en chien de faïence depuis des décennies sans qu’aucun ne se risque à transgresser les règles sous peine d’être la cible des deux autres. Ce triumvirat mafieux constitue alors une “Grande Muraille” impénétrable pour les clans extérieurs, et paradoxalement, tandis qu’Ichiban se démène pour gagner sa vie, le voilà à l’abris du clan Omi. Et vous vous en doutez, il ne manquait qu’un grain de sable pour que certains y voient une occasion d’enrayer ce statu-quo à leur profit. Et devinez qui est ce grain de sable ?
Yokohama est donc le nouveau théâtre principal de Yakuza Like a Dragon, que nous arpentons avec un Ichiban quarantenaire et sa clique de bras cassés, où l’on comptera entre autre un ancien flic licencié pour avoir un peu trop fouiné, un ex-infirmier qui semble avoir ses propres raisons, une hôtesse de bar qui souhaite venger son ancien patron de soapland ou encore la gestionnaire d’un établissement au bord de la faillite, quand ce n’est pas le bras-droit de l’un des trois clan. Clairement les premiers personnages acquis font tout le sel de l’histoire. Un quatuor qui se suffit à lui-même pendant tout le jeu, mais qui peut être agrémenté de deux personnages : un qui arrive très tard, et un autre optionnel issu d’un mini-jeu.
Et on prend plaisir à devoir partir du fond pour remonter peu à peu dans le paysage de la pègre japonaise, puisqu’au contraire des autres épisodes, ici, l’argent se gagne difficilement (vous aurez même à fouiller le dessous des distributeurs de boissons pour espérer trouver quelques yens) mais se dépense toujours aussi rapidement.
On commence donc par aller de petits boulots en petits boulots, ce qui est l’occasion d’essayer des mini-jeux déjantés, mais aussi de constituer une carte mentale de la ville et de sa situation. Les alliés nous rejoignent, on commence par dormir dehors, puis dans une chambre de maison close, dans un bar, tandis que le petit groupe soudé se démène au bureau de l’emploi pour dégoter de quoi subvenir le lendemain. Changement de paradigme complet pour la série qui nous a habitué à flamber des millions de yens dans les bars à hôtesse dans la peau d’une légende vivante.
Assurément, Yokohama est une ville à se réapproprier, d’autant que les ennemis qui peuvent rôder dans les quartiers ne sont pas tous à notre portée.
En effet, à l’image d’un Assassin’s Creed, la carte est divisée en quartiers où circulent beaucoup de groupes d’ennemis à des niveaux différents, et il est compliqué de se retrouver face à un groupe d’une dizaine de niveau supplémentaire au sien, cantonnant naturellement notre aventure à certains quartiers qui s’ouvrent progressivement au fil de notre progression.
Tour par tour
Cette différence est plus particulière et en total décalage avec ce que la série nous avait proposé jusqu’alors. Au lieu de l’action RPG traditionnel, l’équipe propose ici des combats de RPG au tour par tour où Kasuga s’imagine changer de costumes tandis que les ennemis arborent des yeux rouges machiavéliques. Je vous l’ai dit : Kasuga est un adolescent coincé à 20 ans et dans sa passion de Dragon Quest. Il ne se cache pas vouloir devenir un héros comme ceux des jeux de rôle sur consoles, un rêve enfantin que sa nature joviale et volontaire se voit embrasser par ses alliés.
Et tout le jeu est alors transfiguré : chaque combat nous rapporte de l’expérience pour nous faire gagner des niveaux, chaque nouveau niveau fait grimper des statistiques automatiquement, et chaque nouveau rang de job nous améliore également, tout en nous apprenant de nouvelles aptitudes. Pour changer de job, il faut aller naturellement au bureau de l’emploi pour endosser un nouveau rôle (l’idée est tellement parfaite !) comme Héros, Idole (pour soigner les alliés), Protecteur (pour défendre) Musiciens (pour lancer des améliorations ou des malus sur les ennemis) voire Maîtresse de la Nuit pour des plaisirs… masqués et de latex.
Pourtant, on note des disparités dans les jobs : certains ne seront jamais attribués, et les équipements coûtent tellement cher que cela ne nous encourage pas à changer. Après avoir assigné les jobs qui me semblaient les plus intéressants à chaque personnage, je n’ai plus eu l’envie ni le besoin de changer. Si chacun a une variété de job au départ, il est clair que vous n’en utiliserez qu’un – voire deux – au maximum par personnage.
Si les ennemis sont visibles dans les environnements, se faire voir lance une séquence d’attaque où Kasuga imagine que tout le monde change de vêtements et dispose de magies puissantes. Armures, tenues emblématiques, micros de chants ou guitares voire agrafeuses, le JRPG classique se voit transposé dans le réel de Yokohama le temps d’un combat.
Chacun lance son attaque selon son initiative, et il est possible de se faire interrompre par les ennemis si jamais nous nous déplaçons à proximité d’un autre ennemi. Mais il est aussi possible de faire chuter un adversaire, le laissant vulnérable à un coup critique d’un allié. Les malus sont réalistes, comme le poison, les saignements mais aussi… le rhume, jeté au visage par des ennemis malades. Et si vous vous posiez la question,: oui, les « dragons et autre gros monstres » sont également de la partie, sous la forme d’engins de chantiers pilotés par l’ennemi. Tout est tellement logique et littéral que “ça passe”.
On notera tout de même que le système de combat n’est pas aussi ciselé qu’on aurait pu s’y attendre. La faute principale revient au fait que les protagonistes – alliés comme ennemis – se déplacent sans cesse sur l’aire de combat, modifiant leur position et influant donc sur les déplacement à faire par notre personnage une fois ses actions encodées. Il n’est pas rare que des attaques de zones – efficaces au demeurant – ne touchent qu’un ou deux ennemis parce qu’ils ont eu le temps de se déplacer entretemps. Ces attaques ne sont pas non plus signifiées par une zone sur le sol qui indiquerait sa portée, réduisant notre capacité à anticiper ceux qui seront touchés.
De plus, les attaques nécessitant des déplacements, nous ne sommes pas toujours certain de ne pas nous faire interrompre, puisqu’un ennemi peut très bien se déplacer sur notre trajectoire à n’importe quel moment.
A côté de cela, les loufoqueries ne manquent pas, à l’image des “invocations” que nous appelons avec notre téléphone pour appeler à l’aide contre de l’argent et qui s’obtiennent soit pendant l’histoire, mais aussi pendant la tonne d’activités annexes, comme celle mettant en scène des Yakuzas adeptes du nursing (oui, oui, et vous n’avez rien vu), des légendes de la série ou la gestion d’une entreprise qu’il faudra remettre à flot et convaincre des actionnaires dans un mini-jeu en temps réel. Les activités annexes ne manquent pas et toutes racontent une petite histoire touchante, drôle ou triste, mais toujours humaine.
En plus des complots politiques de la trame principale, Yakuza Like a Dragon regorge de petits bonbons à grignoter à chaque coin de rue. Un des plus gros – outre la gestion d’entreprise qui saura vous occuper un bon moment – est la chasse au “Sujimon”, qui vous demandera littéralement de remplir un “Sujidex” des ennemis rencontrés, les plus rares étant cachés dans un donjon à plusieurs étages caché sous Yokohama, véritable lieu de farm nécessaire pour progresser dans la dernière partie du scénario et augmenter les rangs de jobs.
On sent un petit rappel de Persona 5 et le Memento, mais vraiment moins emballant. Le donjon est constitué de couloirs gris (logique, ce sont des égouts…) qui sont juste des labyrinthes à traverser en battant les ennemis et en ouvrant les coffres, contenant parfois un “Sujimon” rare (“mais que fait-il dans un coffre et depuis combien de temps il les attend là ?” se questionne Kasuga).
La Grande Muraille de Yokohama
Bref, un aspect RPG plutôt réussi, même si le système de combats est perfectible et rallonge le temps nécessaire inutilement. Une fonction de combats automatisés est heureusement présente et parvient à gérer les combats classiques de façon plutôt efficace, à condition d’oublier les contres et les améliorations de dégâts qui demandent que l’on appuie sur certaines touches dans un bon timing pour réduire les dégâts reçus ou augmenter ceux que l’on inflige.
Visuellement, c’est encore une fois très beau, mais moins “dense” que pouvait l’être Kamurocho. Yokohama n’est en effet pas une réplique exacte des véritables quartiers de la ville mais a été construite pour servir de terrain de jeu plus vaste, avec des vraies zones qui ont une identité propre, à l’image des trois factions qui se partagent la ville. Mais n’ayez crainte, Kamurocho n’est jamais très loin.
On y trouve les traditionnels restaurants pour se remettre à neuf et profiter de boosts temporaires, des magasins pour faire le plein d’équipements, les salles d’arcade et les machines à sous, une université pour du développement personnel, un club à hôtesse mais surtout le bar “Survivor” qui servira un temps de quartier général, offrant la possibilité de pousser la chansonnette au karaoké mais aussi de débloquer des dialogues visant à augmenter les liens avec nos camarades de combats. Une ville très complète qui se parcourt plus lentement.
Yakuza Like a Dragon
En Bref
Malgré ses quelques errements au niveau des combats et de la gestion des jobs, Yakuza: Like A Dragon est une porte d’entrée très qualitative à la série, en conservant ce qui faisait le sel des premiers épisodes tout en y injectant de la fraicheur. Alors oui, les nouveaux venus pourront se sentir perdus par moment dans les fils de l’intrigue, mais on y passe clairement un bon moment.
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