“Maman, lis-le !” m’ordonne ma fille de 10 ans. Comment pourrais-je refuser ?
Scordatura, un terme qui m’était inconnu, mais qui s’accorde parfaitement avec l’histoire.
Je suis donc les pas de Sao Mai, 11 ans, et violoniste prodige. Malheureusement, ses parents n’ont pas les moyens de lui offrir un nouveau violon, pourtant nécessaire à sa progression artistique. Dans l’armoire de sa grand-mère adorée qui vient de décéder, la jeune fille trouve un magnifique violon noir. Ce sera son nouvel instrument, et le début d’une histoire de fantôme, d’amitié et d’apprentissage de la tolérance habilement orchestrée par Floriane Turmeau.
“C’était vraiment bien, mais ça faisait quand même très peur. Trop peur !”, me confie ma fille lorsque j’approche de la fin du livre et lui demande ce qu’elle a ou non aimé.
Il est vrai qu’elle est impressionnable, et pas coutumière du genre horrifique, qu’habituellement elle rejette purement et simplement. Mais ici, le sujet du violon, instrument dont elle a commencé l’apprentissage, l’a irrésistiblement attirée. Et à ce niveau, la musique est très agréablement abordée, allouant à la mélodie des paysages imaginaires et magnifiques qui se transforment en visions d’horreur lorsque le violon libère et développe l’ombre néfaste qu’il contenait.
Cette présence monte crescendo dans le récit, terrifiant Sao Mai – et par ricochet ma petite lectrice – qui se sent bien seule face à ce qu’elle ne comprend pas.
On peut déplorer quelques longueurs pour le jeune lecteur dans ces passages où l’ombre grandit.
- “As-tu aimé l’héroïne ? demandé-je à ma fille, essayant de passer outre son aversion pour ce qui fait l’effraie.
- Oui, même si elle ne fait pas ce qu’il faut pour s’en sortir. Elle refuse l’aide d’Achille, qui peut pourtant l’aider car il est passionné de magie, d’ombres…”
Si Sao Mai décline la main tendue d’Achille, un garçon différent et rejeté par les autres, c’est par peur d’être elle-aussi mise de côté.
Ce thème de la difficulté de s’intégrer reviendra comme un refrain tout au long de l’aventure, tout comme le thème de la perte d’un être cher, dont l’aura subsiste malgré tout. Pas sûre que ma fille ait perçue cette entité supplémentaire comme rassurante, malgré les explications d’Achille.
Quant à la résolution de l’histoire, elle a su convaincre et rassurer ma passionnée de livres.
Sans dévoiler toute la partition, il est question de plongée dans le passé…
En tant qu’adulte, j’ai trouvé que le décès d’un proche était justement et poétiquement abordé, et la difficulté de grandir et de trouver sa place suffisamment explicite pour interpeller les lecteurs.
En revanche, à mon sens rien ne peut justifier la cruauté, même chez un être en souffrance. Ici cela s’applique à un personnage jeune, qui est “excusé” un peu trop facilement lors du dénouement.
Le livre a un “petit plus” ; une playlist est normalement disponible, permettant d’écouter les morceaux joués par Sao Mai à l’aide d’un QR code ou un lien vers une page YouTube. Je n’ai testé que cette dernière, qui était…indisponible au moment de l’essai. Dommage car l’idée est bonne, même si en pratique, je doute que les jeunes lecteurs ne prennent l’initiative de faire la recherche (et l’adresse est alambiquée).
A conseiller aux fans de musique, de fantômes et d’histoires frissonnantes à partir de 9 ans (pour les plus courageux/courageuses !). A découvrir chez Poulpe Fictions.
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