Je pense que tout le monde connaît le film « Qui veut la peau de Roger Rabbit ? » mais peu savent sans doute qu’il ne s’agit que de la première partie d’une histoire écrite Gary K. Wolf, publiée en 1981. C’est une œuvre plus complexe qu’il n’y paraît en voyant le film, qui s’éloigne justement beaucoup de son adaptation cinématographique de 1988. Ce récit, imprégné des codes du roman noir, explore des thèmes étonnamment sombres et présente des personnages aux facettes multiples. Pour ma part, j’ai toujours aimé ce film depuis que je suis gosse. Le mélange de Toons et de personnages réels était déjà une sacrée prouesse pour l’époque, c’était intéressant à suivre, terrifiant parfois (la trempette, le juge…) et puis… il y avait Jessica Rabbit qui faisait Picotti-Piccota, n’est-ce pas ?

Contrairement au film, qui mêle comédie familiale et éléments de film noir que vous pouvez montrer à vos gosses sans problème encore aujourd’hui, le roman est un véritable polar, sombre et cynique. L’intrigue tourne autour d’une enquête pour meurtre, baignant dans une atmosphère de méfiance généralisée. Le personnage principal, Eddie Valiant, est un détective désabusé, souvent désagréable, incarnant parfaitement l’archétype du détective « hard-boiled ». Le livre est une comédie noire qui se prend au sérieux, du moins aussi sérieusement qu’une histoire où les personnages de dessins animés vivent parmi nous peut l’être.

Le roman dépeint un monde où les Toons, ces personnages de dessins animés, sont considérés comme des citoyens de seconde zone. Une ségrégation stricte existe entre humains et Toons, avec des établissements et des lois qui leur sont propres. Cette dimension sociale, à peine effleurée dans le film, est beaucoup plus présente dans le roman, établissant de nombreux parallèles avec la ségrégation en Amérique dans les années 1900, les toons étant accueillis avec hostilité par beaucoup.

Les personnages du roman diffèrent radicalement de leurs homologues cinématographiques, à l’exception de Baby Herman, qui reste assez fidèle. Eddie Valiant n’a pas le passé tragique du film et est dépeint comme un détective chevronné au sommet de sa carrière, conservant sa méfiance envers les Toons. La superbe Jessica Rabbit de son côté est présentée comme une femme arriviste et manipulatrice, loin de l’épouse douce et sensuelle qu’elle semble être dans le film. Il m’a parfois été difficile de me défaire des images forgée par le film avec le temps, et voir Jessica aussi négativement a brisé un petit bout de mon cœur d’enfant. Quant à Roger Rabbit, il est à la fois naïf et capable de cruauté, loin du personnage innocent du film, mais étrangement, je ne l’aimais déjà pas trop à l’époque, j’ai toujours su que ce lapin cachait un côté sombre… hum…

Sinon, le roman utilise le monde des comic strips comme toile de fond pour critiquer l’industrie du divertissement, dénonçant les contrats abusifs, la compétition féroce et la quête effrénée de la célébrité. Rien n’a changé n’est-ce pas ? Le monde des Toons est représenté comme une industrie brutale et impitoyable, en totale opposition avec ce qu’elle est sensée représenter en façade.

Plusieurs différences majeures distinguent le roman du film. Le titre du roman, Who Censored Roger Rabbit? en anglais, fait référence à un meurtre plutôt qu’à un complot. Comme je l’ai mentionné, les personnages y sont également différents : Eddie Valiant est plus compétent et dur, sans traumatisme lié à un frère tué par un Toon, tandis que Jessica Rabbit est cupide et opportuniste. Même ce crétin de lapin Roger Rabbit est plus complexe, capable de violence et de manipulation. De plus, le fameux juge Doom, qui a traumatisé tous les enfants du monde, est fort logiquement absent du roman.

Le type de Toons diffère également : le roman se concentre sur les personnages de comic strips, tandis que le film met en avant des personnages de dessins animés de studio. La nature de la mort des Toons est aussi distincte : dans le roman, ils peuvent mourir de manière réaliste, par arme à feu par exemple, augmentant ainsi l’enjeu et la violence du récit. L’intrigue du roman présente deux meurtres, ceux de Rocco DeGreasy et de Roger Rabbit, avec un génie dans une théière magique au centre du mystère. Enfin, les Toons ont la capacité de créer des doubles d’eux-mêmes, des doppelgangers, pour effectuer des cascades ou des tâches dangereuses.

Lire l’histoire originale alors que je ne connaissais que le film a vraiment captivé mon intérêt de part l’originalité de l’intrigue, la complexité des personnages et l’atmosphère vraiment noire. Pour tout dire, je pensais donner le roman à ma fille de 10 ans, et je me suis abstenu. Le livre est étonnamment violent, cynique et tranche radicalement avec le film. J’ai par contre préféré cette version d’Eddie Valiant et son évolution au cours du récit, tout en me morfondant sur l’image que j’avais de Jessica, figure détestable dans ce roman.

En somme, Qui veut la peau de Roger Rabbit? est un roman riche qui offre une vision sombre et satirique du monde des Toons, se distinguant nettement de son adaptation cinématographique. Je le conseille à tous les adultes qui ont vu le film dans leur enfance, pour replonger de façon plus approfondie dans cet univers tout en profitant d’un vrai polar sombre et plus violent qu’on pourrait croire. Mais contrairement au film, c’est pas pour vos gosses.

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Titiks

Quadra assumé, daron de 3 apprenties gameuses, fan de tout ce qui est capable de raconter une bonne histoire. Touche-à-tout, mais surtout de bonnes aventures qui savent surprendre, et dévoué à l'univers console depuis que Sega était plus fort que tout, vous me verrez bien plus souvent connecté à la nuit tombée #2AMFather.

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