L’histoire de notre médium favori, le jeu vidéo, est souvent passée en revue pour diverses raisons et par divers publics. Pourtant, il est une composante essentielle du jeu vidéo que nous oublions souvent de mettre en avant tant leur intégration fut nécessaire et naturelle : la manette de jeu vidéo. Autrefois simple manche à haute teneur phallique, aujourd’hui véritable excroissance de notre corps et prolongement même de notre main, nous allons tenter ici d’en éplucher un peu les évolutions en termes de design et d’ergonomie. Le PC et les consoles portables étant bien sûr des cas à part, nous nous concentrerons ici sur les manettes de console. Appuyez sur A pour continuer.

Les prémices

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La manette de l’Atari 2600

 

On parle de manette, de pad, dès la sortie de Spacewar en 1962. En fait, on pourrait même remonter en 1952 et à la sortie de Tennis for two. Ces jeux nécessitaient en effet un médiateur faisant le lien entre le joueur et le jeu, permettant au premier de jouer au second. C’est alors que l’on commence à parler de pad en anglais, que l’on traduira bien volontiers par manette. Des manettes rudimentaires certes (souvent composées d’un joystick et d’un bouton), mais des manettes tout de même, permettant une communication ludique entre l’homme et la machine. Les jeux vidéo de l’époque, encore balbutiants, ne nécessitent que des interactions limitées, qui consistent souvent à déplacer un personnage/un véhicule et de lui faire exécuter une action (il s’agira le plus souvent de tirer sur quelque chose). Ces manettes « primitives » feront autorité jusqu’au krash de l’industrie des jeux vidéo en 1983, que Nintendo relancera en 1984.

Quarts de cercle et jouabilité

La sortie de la NES entraîne parmi tant d’autres une petite révolution qui nous intéresse ici : le pad change drastiquement. Le manche disparait, la manette gagne en finesse et en « rectangularité », et se pare d’une croix directionnelle et de quatre boutons. Nintendo vient de mettre au point une manette dont les bases sont encore une norme aujourd’hui : un pavé dédié aux mouvements à gauche, des boutons d’action à droite. Et si les boutons Start et Select ont disparu des manettes récentes, elles ont fait figure de standard durant de nombreuses années.

La célèbre manette de la NES
La célèbre manette de la NES

Cause autant que conséquence, les jeux vidéo se complexifient. Metroid et Zelda apporteront des mécaniques plus complexes, respectivement en 1986 et 1987, et ces deux boutons supplémentaires prennent tout leur sens : qu’il s’agisse de sauter, de lancer des flèches, des bombes, de parler, de courir, les boutons rouges A et B offrent de nouvelles sensations bienvenues dans une industrie du jeu vidéo renaissante. De son côté, après une manette de Master System assez similaire à celle de la NES, le rival SEGA sort la MegaDrive en 1998, et sa manette aux trois boutons et aux coins arrondis. Une évolution somme toute logique et, là aussi, bienvenue.

Qu’à cela ne tienne, Nintendo réplique en 1990 avec la Super NES dont la manette viendra là encore apporter son lot de nouveautés. Les principales innovations, ce sont ces quatre boutons A-B-X-Y et les deux gâchettes L et R sur la tranche supérieure de l’appareil. Les standards sont alors mis en place, et seront encore à l’heure actuelle la norme pour les différents constructeurs de l’industrie, et même une norme ludique puisque l’on voit mal comment on pourrait se passer de ces multiples boutons.

Sony, c’est plus fort que toi

Lorsque sort la PlayStation en 1994, c’est un bouleversement en termes d’ergonomie et de design de manette. Sans apporter de nouveauté majeure (les quatre boutons existaient déjà, la croix directionnelle également, ainsi que les gâchettes supérieures), son design élégant et confortable permet au joueur d’agripper des poignées, et devient rapidement un standard dans le milieu. Si bien que l’on retrouve aujourd’hui son influence un peu partout : la manette de la Xbox, celle de Sony bien sûr, et même Nintendo à l’époque de la N64 (en ajoutant tout de même une troisième poignée, histoire d’être sûr de remporter le trophée de pire manette de l’histoire). Mais bien sûr, qui dit jeu vidéo dit informatique et dit technologie, dit avancées jusqu’à l’infini, alors on change. Et en ce sens, Nintendo aura une nouvelle fois secoué le cocotier.

LA manette de l'histoire du jeu vidéo
LA manette de l’histoire du jeu vidéo

« Nouvelle façon de jouer ! »

wii-remote-playreplayAvant tout, il faut rendre à César ce qui appartient à César : avec EyeToy et sa caméra sur PlayStation 2, Sony avait déjà montré la capacité qu’avait le jeu vidéo à se mouvoir, à évoluer et à ne surtout pas rester enfermé dans une manette de quatre boutons et un (ou deux) stick. Nintendo enfonce plus que jamais le clou avec la Wii. Le motion gaming apportera une « nouvelle façon de jouer » (pour le meilleur et pour le pire, mais c’est un autre débat) qui font entrer le joueur dans un rapport tout autre avec le jeu vidéo : désormais, il ne s’agit plus de donner des ordres aux jeux via des boutons, mais de réaliser soi-même le geste. Alors certes, ça marche mieux dans Wii Sports que dans Xenoblades, mais dans le fond c’est plutôt audacieux, et la place de la manette change du tout au tout en devenant un outil, malléable à souhait en fonction du jeu (l’usage que l’on fait de la wiimote dans Boom Blox est assez différent de celui dans Mario Kart, par exemple) et non plus une « interface de commandes » qu’elle était jusque-là. Microsoft ira plus loin avec Kinect, qui sera finalement un échec. Et pour cause : le public potentiel de Kinect n’est pas toujours celui de la Xbox…le genre d’accessoire qui aurait typiquement eu sa place sur console Nintendo ne touche ici qu’une mince partie du public. L’idée est pourtant bonne, et à l’heure de la réalité virtuelle on ne peut qu’imaginer les innombrables possibilités offertes par une caméra qui permet de jouer sans manette, couplée par exemple à un Oculus Rift qui plonge le joueur dans l’immersion la plus totale. Rêvons, mes amis, rêvons…

Microsoft à l’offensive

En contrepartie, Microsoft excelle dans le développement de…manettes de jeu, justement. Si le pad de la Xbox, première du nom, est somme toute assez classique (suivant globalement les codes « imposés » par Sony, en y ajoutant toutefois une insupportable grosseur), c’est avec la manette de Xbox 360 que Microsoft se démarque.

Xbox 360...
Xbox 360…

Cette dernière semble en effet proche de la perfection : elle est confortable, ses pads et boutons sont parfaitement placés, n’est ni trop grosse ni trop petite. C’est en tout cas un avis partagé dans la rédac’ de PxlBBQ, où la manette en question fait l’unanimité, ainsi que dans de nombreux forums de joueurs (on la retrouve également dans de nombreux « Tops » de manettes de jeu, vérifiez par vous-mêmes !). On pourrait se demander si c’est l’essor des FPS console qui ont aidé à la mise au point de cette manette ou si c’est l’inverse, le controller de Xbox 360 se révélant incroyablement confortable pour ce type de jeu. Les deux sticks ne sont pas une nouveauté, leur placement pertinent non plus (c’était déjà le cas sur la Xbox première du nom), mais elle permet au joueur une telle fluidité de mouvement des doigts (et notamment des pouces) qu’elle semble avoir été pensée précisément pour les jeux d’action.

...VS Xbox One
…VS Xbox One

Et pourtant, Microsoft a fait mieux récemment, en investissant plus de 100 millions de dollars (!) dans la manette de la nouvelle Xbox One. Cause inconsciente ou conséquence : ladite manette est encore plus réussie. Les imperfections du pad de Xbox 360 ont laissé place à un confort total et optimal pour le joueur. Les gâchettes sur les tranches sont dotées de retours moteurs pour la vibration et les sticks sont encore plus rapides et confortables. Véritable réussite en tous points (avec un mini-bémol pour les poignées), ce n’est pas pour rien si Microsoft a beaucoup communiqué sur sa manette. Le prix fait mal (comptez une soixantaine d’euros), mais pour apprécier un bon jeu, ne faut-il pas une bonne manette ?

De son côté, Sony n’a pas bousculé les traditions, en essayant tout de même d’apporter du confort à sa manette par l’arrondi des poignées et la surface tactile au centre du pad, qui ne révolutionne rien mais a le mérite d’être utilisé sobrement et intelligemment. Nintendo a tenté l’innovation, avec un GamePad aux allures de coup de poker mal flairé, et au ressenti final assez délicat : un fort potentiel (ZombiU et Rayman Legends l’ont montré) mais offrant un éventail de possibilités ludiques bien plus réduit que la Wiimote. Au final, si l’on devait faire un concours de manettes pour cette génération, Microsoft l’emporterait haut la main avec une manette incroyablement bien conçue (avis subjectif, mais partagé par beaucoup de monde). Il est intéressant de noter que Microsoft, comme Sony, n’ont procédé qu’à des ajustements, des améliorations de leurs manettes, sans tenter de réinventer la poudre à couper l’eau chaude à chaque nouvelle génération. Hormis Nintendo qui vise un public « particulier », l’industrie du jeu vidéo semble donc stagner d’un point de vue … ergonomico-ludico-technologique. Une question s’impose donc: doit-on espérer un changement, ou ces manettes devenues classiques mais efficaces ne doivent-elles rester que l’accessoire -paradoxalement indispensable– qu’elles sont actuellement ?

On résume ?

Petit à petit, la manette de jeu semble évoluer, changer de rôle au sein d’un média en permanente reconstruction, et s’adapte au jeu tout en le refaçonnant (les game designers sont obligés de s’adapter aux manettes pensées par les designers, mais l’inverse est tout aussi vrai !). Et s’il y a bien un composant du jeu vidéo qui ne déclare aucun « vainqueur » entre les trois constructeurs historiques (précisons : vivants), c’est celui de la manette. Parce qu’au final, qu’est-ce qu’on constate ? Nintendo : le précurseur, le plus inventif. Sony : le designer, le plus inspiré. Microsoft : le maître, le plus doué. Et la « course » n’est pas terminée. Avec l’arrivée du Steam Controller, de l’Oculus Rift qui ouvrira à nouveau la boîte de Pandore de l’interaction joueur-jeu, sans oublier les manettes « spécialisées » (pour jeux de course et baston notamment), les contrôles tactiles, et les éternels clavier/souris, ce n’est plus seulement le jeu qui se diversifie : c’est également la façon de le penser et d’y jouer !

L'avenir du jeu vidéo s'écrit-il sans manette ?
L’avenir du jeu vidéo s’écrit-il sans manette ?
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3 thoughts on “Parlons manettes !

  1. Dommage que vous n’avez pas parlé des Pad Sega Saturn ou « Cacahuette » Neo geo, des références pour moi. Un petit passage sur celle de la dreamcast aussi aurait été le bienvenu (ok on peut pas lister tout les pad mais ils sont quand même connus!)

  2. Dreamcast me souviens comment mon cousin se la pétais avec sa console et sa manette :p

  3. « la N64 (en ajoutant tout de même une troisième poignée, histoire d’être sûr de remporter le trophée de pire manette de l’histoire).  »

    Ah enfin quelqu’un qui voit clair ! Et par un fan de Nintendo en plus, c’est encore plus délicieux à lire 🙂

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