Figure emblématique du monde des vivants, c’est pourtant dans celui des Morts que l’ami Tim Schafer va mettre au point en 1998 un jeu aussi génial que « commercialement sous-estimé » : Grim Fandango. Et si vous êtes passés à côté à l’époque, pas de panique : le jeu revient dans une édition remasterisée sobrement intitulée Grim Fandango : Remastered. Et dans Remastered, il y a MASTER. Ainsi, qui de mieux pour nous emmener dans le monde des défunts que le Maître des point&click, dont la plume subtile et maîtrisée n’a d’égale que le talent de mise en scène inattaquable dont il a fait preuve au cours de ses précédentes productions (notamment les Monkey Island ou Day of the Tentacle, excusez du peu) ?
Grim Fandango, c’est ainsi l’histoire de Manny Calavera, un agent commercial qui doit vendre aux jeunes défunts des voyages vers le monde de l’au-delà. Dans les légendes sud-américaines (notamment mexicaines), le passage entre la vie et la mort est constitué d’un long périple, d’un voyage qui sera le reflet de votre vie et durera plusieurs années, ou plusieurs minutes si vous l’avez mérité. Vêtu de votre plus beau costume de faucheuse, vous devrez ainsi aller démarcher les jeunes défunts, afin de leur vendre des voyages vers le Pays des Morts, plus ou moins confortables et appréciables selon leur dossier.
« Ah ma faux… J’aime la tenir là où jadis battait mon cœur… » – Manny Calavera
Un tel pitch ne saurait être vendu à n’importe qui. Pourtant, Grim Fandango joue la carte de la subtilité et de l’humour fin. On n’entre pas tant dans une histoire que dans un univers, aussi personnel qu’original. Grim Fandango nous plonge dans une ambiance « polar des années 30 » des plus réussies, à base de jazz, de costumes trois-pièces et de décors d’époque. La direction artistique était déjà superbe à l’époque, et n’a été que transcendée dans cette édition Remastered. Oubliez la HD et les standards graphiques actuels, Grim Fandango Remastered joue là encore la carte de la subtilité, où l’on notera notamment l’aliasing frappant de 1998 laisser place à beaucoup plus de finesse et de netteté. La bande-son, déjà hautement saluée à l’époque grâce à une OST menée de main de maître par Peter McConnell, a été également revisitée, pour le plus grand plaisir des mélomanes. Une mise à niveau légère mais nécessaire, qui permet à Grim Fandango de supporter l’épreuve du temps tout en gardant intacte son ambiance si intime et particulière.
« Le noir, ça amincit » – Manny toujours
Une ambiance qui vous mettra face à des situations plus ou moins tordues, et dont les énigmes feront fondre plus d’un neurone. En bon « reboot » de jeu d’époque, Grim Frandango Remastered ne vous prendra pas par la main, quitte à vous laisser galérer pendant des plombes ; ce qui aura l’avantage de faire vivre un effet madeleine incroyable aux plus anciens, et de montrer aux plus jeunes que « les jeux vidéo, à l’époque c’était quand même pas pareil, on te donnait pas toutes les réponses carte en main ». Et si vous n’avez pas encore eu affaire aux énigmes de Grim Fandango, soyez-en sûr : elles sont génialement pensées. En scrutant minutieusement chacun des plans, vous trouverez nécessairement l’objet qui vous mettra la puce à l’oreille. Le problème, c’est qu’on retrouve dans ce lot d’énigmes génialement pensées certains puzzles un peu tordus qu’il aurait été de bon ton d’améliorer. De plus, il est évident que Grim Fandango est un chef d’oeuvre pour tout amateur de jeu d’aventure des années 90 (comprenez par là « les férus de point&click ») mais ne plaira pas aux autres. En effet, même si les commandes ont été grandement améliorées, le jeu reste proche du « dessin animé interactif » qui caractérise le genre, qui fera bien plus fonctionner vos zygomatiques et vos neurones que vos pouces !
Coooonclusion. Je dis non! Mais un Avis, je dis OUI!
« Mort à jamais ? Qui peut le dire ? » disait Marcel Proust. Certainement pas Manny Calavera ! Difficile à trouver dans le commerce (sinon d’occasion) et carrément absent du catalogue Steam, le pourtant cultissime Grim Fandango nous revient d’entre les morts pour notre plus grand plaisir. Dialogues tordants, ambiance incroyablement réussie portée par une OST magistrale et une direction artistique pertinente et décalée (à base de polar noir et de fête mexicaine), Grim Fandango s’offre une seconde jeunesse sur PC, PS4 et PS Vita. En fait la mort, des fois c’est cool !
Grim Fandango Remastered
- Développeurs Double Fine Studio
- Editeur Double Fine Studio
- Type Aventure / Point&Click
- Support PC (testé ici), PS4, PS Vita
- Sortie 27/01/2015
Dans le même genre :
- Monkey Island
- Day of the Tentacle
Y’a bon!
- Un jeu culte enfin remis au goût du jour
- Une direction artistique incroyable
- Une bande-son jazzy parfaite
- Le très bon doublage VF intégral
- Énigmes bien pensées
- Histoire et dialogues brillants et amusants
- Un petit prix pour un grand contenu
- Les commentaires des développeurs !
Beuargh!
- Du point&click en 2015, ça fait tout drôle
- Quelques énigmes qu’il aurait fallu repenser
- Quand même un poil vieillot graphiquement
L’info en +
Pourquoi Manny « Calavera » ?
Les calaveras, dans leurs différentes formes, sont des symboles du Jour des morts et de la culture mexicaine officielle mise en place dans les années 1920 par les gouvernements nationalistes issus de la révolution de 1910 qui cherchaient à unifier le pays en lui donnant notamment une culture plus uniforme.
« Calavera » désigne en espagnol un crâne humain ou « tête de mort » (« une tête humaine entière dépouillée de sa chair et de sa peau »).
Par métonymie, « calavera » désigne également une figurine à la tête de squelette (bien que « calaca » désigne dans la vie quotidienne un squelette entier ou la représentation d’un personnage entier sous forme de squelette).
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