En 2010, le jeune Oliver partait pour un pays magique à la recherche d’un moyen pour ramener sa mère, partie trop tôt. Quête initiatique, allégorie du deuil, Ni no Kuni était porté par des thématiques fortes, une direction artistique fabuleuse et un système de jeu original. 8 ans plus tard, les magiciens de Level-5 replongent dans les œuvres du studio Ghibli pour nous offrir une suite qui n’en est pas vraiment une, même si le deuil s’invite rapidement dans l’histoire et que la puissance des rêves d’enfants reste le moteur de l’aventure.
Le roi est mort
Après une courte introduction que je ne révèlerai pas ici, nous incarnons Roland qui débarque dans le royaume de Carabas (que nous avions déjà visité avec Oliver) la veille du couronnement du roi Evan suite au décès tragique de son père. Métisse Humain/Chat, le jeune aspirant au trône ne prendra malheureusement pas les rênes de son pays puisque lorsque Roland débarque auprès de lui, le Royaume est en proie à un coup d’état et le jeune prince est contraint de fuir en compagnie du nouveau venu et de sa protectrice.
C’est au terme d’un âpre combat et de son exil forcé qu’Evan prendra la décision non pas de partir à la reconquête de Carabas, mais bien de bâtir son propre royaume de paix, aussi utopiste que cela puisse être. Et je m’arrête là pour ne pas vous gâcher la surprise du reste, même si la narration et les rebondissements sont d’un classicisme absolu et sans réelle surprise. Pourtant on se prend à suivre tout cela avec plaisir, même si l’on sait où l’on va, le voyage étant des plus agréables.
Ni No Kuni 2 aurait pu se contenter d’être une suite simple à la Vengeance de la Sorcière Céleste, tant ce dernier possédait déjà tout ce qu’il fallait pour nous charmer malgré ses quelques défauts. Mais heureusement, les équipes de Level-5 n’ont pas choisi la facilité et ont développé un tout nouveau titre qui partage certes quelques éléments de base avec son prédécesseur, mais qui apporte de nouvelles mécaniques pour une aventure imparfaite mais toujours aussi magique.
On va passer rapidement sur ce qui saute aux yeux, à savoir la direction artistique somptueuse issue des productions du Studio Ghibli. Cela se ressent dans le chara-design bien entendu – bien que ce dernier se contente du cahier des charges sans grande originalité – dans les décors – la ville de Gamblor est une relecture des bains de Yubaba par exemple – mais aussi dans les compositions de Joe Hisaishi qui nous accompagnent durant toute l’aventure et sont reconnaissables entre milles. Certaines musiques sont en-deçà de ses œuvres habituelles, mais le thème principal est un pur bonheur pour les oreilles, tandis que d’autres renvoient à des compositions cultes comme Porco Rosso. Et c’est tant mieux puisque vous allez l’entendre bien souvent lorsque vous arpenterez la vaste carte du monde en récoltant moultes petits objets en chemin et combattrez les nombreux ennemis visibles.
Aux armes
Notez que j’esquive toute notion de scénario. J’en resterai aux bribes présentées ci-dessus, mais sachez qu’au-delà de l’avènement du royaume d’Evan, vous devrez aussi faire face à une menace séculaire qui risque de vous mettre des bâtons dans les roues pendant que vous visiterez le monde. Les combats restent au coeur du jeu, mais Level-5 a opté pour une approche plus directe que celle de la Sorcière Céleste, où nous dirigions des familiers au combat en leur dictant des ordres précis. Forcément plus simple d’accès, le nouveau système de combat nous place directement dans la peau d’un personnage (au choix parmi l’équipe active de 3 sur le terrain, à sélectionner dans les menus parmi les 6 disponibles) pour des affrontements en temps réels à base de coups faibles/forts, de roulades, d’attaques à distance et de capacités spéciales.
Ultra classique, Ni no Kuni 2 tire néanmoins son épingle du jeu grâce à quelques menus systèmes qui permettent quelques subtilités. Si la roulade procure quelques minuscules instants d’invincibilité (bien mise à profit par l’IA alliée dans les combats normaux), chaque protagoniste – en plus de son équipement de défense – peut lier à lui jusque 4 armes – dont la nature est propre au personnage (Shanty ne pourra par exemple équiper que des lances, là où son père devra se contenter de marteaux géants) dont une arme de jet avec lesquelles il sera possible de switcher à tout moment pour profiter de leurs effets et de leur puissance qui se charge au fil des coups portés.
Outre vos 3 combattants (à noter que tous évoluent en parallèle, même ceux qui ne se battent pas), votre Gardien tout choupi se promènera sur le champ de bataille en vous délivrant quelques soins et régénérations de magie, voire même une boule magique, sorte de Pac-Gum dorée provoquant l’éveil de celui qui l’absorbe et lui permettant d’user de ses compétences sans limite. Entre les armes qui se récupèrent toutes seules dans les coffres ou sur les ennemis à un bon rythme, les Mousses, le Gardien et la montée de niveau assez simplifiée, rien – ou presque – n’entravera votre progression, même pas les boss.
Il faudra se tourner vers les donjons annexes générés aléatoirement et dont le niveau des ennemis est proportionnel au temps passé à arpenter leurs couloirs, ou vers les quelques créatures spéciales envoûtées par les ténèbres qui pour le coup, vous donneront du fil à retordre. De plus, une tablette magique nommée “Égalisateur” vous permettra de modeler un peu votre expérience de jeu en boostant certaines caractéristiques ou immunités au détriment d’autres attributs, de privilégier le gain d’XP à celui de florins (la monnaie du jeu), le loot d’équipement au détriment de l’XP etc… un système souple qui une fois un peu développé permet de s’adapter à n’importe quelle situation. Un boss vous pose problème avec des attaques élémentaires de glace ? Boostez votre immunité à cet élément au détriment de la défense face au feu et c’est réglé. Encore une fois, si les plus jeunes y trouveront une aide bienvenue, les autres ne s’y investiront que très peu.
Petit Pi’Mousse au rapport !
Il est possible d’emmener en combat avec nous 4 Mousses, ces petits esprits à mi-chemin entre les Familiers de Ni no Kuni et les Kodamas de Princesse Mononoke. Chaque petit Mousse a son propre caractère et surtout ses propres compétences. Si ils participent aux batailles en lançant des petites attaques ou des petits buffs, il n’en n’oublient pas de préparer des attaques spéciales à activer en passant les voir sur le champs de bataille. Certains lanceront un sortilège d’une rare puissance, d’autres créeront un canon sur pied neutre ou élémentaire pour canarder l’ennemi, d’autres encore pourront générer une zone de soin sur le sol, voire même d’immunité à certains éléments. Un apport stratégique non négligeable mais qui sera principalement utilisé pour mettre fin plus rapidement aux combats, ces derniers ne représentant pas un réel challenge tant que les ennemis ne dépassent pas la dizaine de niveau au-dessus du vôtre.
D’ailleurs, tant dans sa narration que dans ses systèmes ou ses thématiques, Ni no Kuni II semble s’adresser à un public assez jeune, ceux qui y verront les rêves utopistes comme des possibilités politiques envisageables, et qui pousseront sans doute le système de Mousse au maximum pour le plaisir ou une aide ponctuelle pas vraiment nécessaire. Ces petits Mousses sont à découvrir lors de l’exploration de donjons, en échange d’objets précis demandés par les étranges Stèles de Saint-Mousse (*sick*), ou peuvent carrément être cuisinés et nourris contre amélioration auprès de Tatie Gretchen une fois recrutée dans votre Royaume.
Car oui, enivré de liberté et de justice, le roi Evan aura à coeur de tenir sa promesse de créer un Royaume “Aux milliers de sourires”, ce qui se traduit par une gestion de votre propre base au départ, que vous pourrez améliorer au fil des heures et des Pièces d’Or engrangées. Attention ici, les Pièces d’Or ne sont pas la monnaie du jeu utilisée dans les boutiques, mais bien une richesse générée par et pour le Royaume afin de bâtir toujours plus de bâtiments, de mener des recherches – en temps réel – et de faire évoluer tout cela jusqu’à obtenir un Royaume resplendissant, peuplé de loyaux sujets issus de tous horizons, qui vous auront au préalable demandé de leur rendre service avant de vous rejoindre.
En effet, au cours de vos aventures, vous aurez l’occasion de croiser des PNJ spéciaux qui vous confieront leurs problèmes sous forme d’une quête annexe avant de vous rejoindre dans votre Royaume en tant que main d’oeuvre. Chaque nouvelle recrue trouvera sa place en tant que spécialiste dans un domaine, et pourra ainsi vous fournir un meilleur service dans la Forge, les vêtements, la cuisine (qui offre des bonus)… au fil de vos recherches.
Si la gestion du Royaume est intéressante, on touche ici un premier souci : les quêtes données par les PNJ (une centaine tout de même) manquent cruellement d’intérêt, et leur gestion est parfois obligatoire pour progresser dans le scénario. A titre d’exemple, il vous sera demandé à un moment d’accéder à une bibliothèque, mais pour cela il faudra convaincre sa gardienne de vous octroyer un passe droit. Celle-ci acceptera en échange de 3 services : aller lui cueillir une fleur dans la montagne, récupérer une corne de dragon et enfin combattre des bandits qui lui ont volé un objet précieux. Soit, c’est classique, même si on déplore la récurrence du modèle “Ah bonjour, je vais vous aider, mais d’abord, résolvez mon problème” vraiment peu discret, mais c’est de bonne guerre.
Une aventure imparfaite mais toujours aussi magique
Seulement, chacune de ces sous-quêtes déploient elles aussi un autre arbre de sous-quêtes. Récupérer la fleur vous demandera d’apprendre un sort, que seul un PNJ au Royaume pourra vous enseigner, mais il faudra d’abord résoudre une quête pour le recruter. La corne vous demandera de vaincre un boss – simple, tandis que la pierre précieuse imposera de résoudre une quête annexe impliquant le craft d’un plat, vaincre des monstres et recruter deux nouveaux PNJ pour enfin aller vaincre les bandits dans une phase de combat d’armées un peu bordélique mais qui a le mérite d’être dynamique et un peu stratégique. Tout ça pour enfin avoir la carte de membre d’une bibliothèque. Un schéma de progression rébarbatif, heureusement facilité par le système de téléportation qui vous permet de retourner à des lieux déjà visités de n’importe quel endroit.
Les combats d’armée vous propulsent sur la carte du monde – jolie mais dont la réalisation façon “Unreal Engine” dénote un peu avec les donjons – en compagnie de divers bataillons spécialisés (épéistes, archers, défenseurs…) à l’assaut d’autres armées à défaire pour assurer votre suprématie sur la région. Ici encore, avec les bonnes troupes et un niveau suffisant, difficile de perdre une manche, même si une fois la bataille remporté, le jeu propose d’augmenter la difficulté de la bataille pour un match retour, augmentant par la même occasion les gains de pièces d’or si nécessaire à votre développement royal.
Car véritable jeu dans le jeu, la gestion de Royaume devient rapidement l’attrait majeur des joueurs à la recherche d’un réel intérêt autre que cosmétique dans Ni no Kuni II. En l’absence de challenge dans les combats ou d’histoire prenante (même si agréablement naïve), la gestion du Royaume devient réellement prenante, même si elle n’est pas vitale pour voir la fin de l’aventure, qui se boucle en une bonne trentaine d’heures.
Conclusion
Promesse tenue pour Level-5 et son Ni no Kuni II ? Oui, assurément. On retourne dans le magnifique monde parallèle, aux côtés d’un enfant-roi aux idéaux naïfs mais touchants, en recrutant à tour de bras ceux qui constitueront les fondations de notre nouveau Royaume. Si la progression se révèle redondante et vraiment classique, on suit les aventures d’Evan et Roland avec un réel plaisir, et sans trop de contraintes. La profusion de petits systèmes est cependant sous-exploitée, des batailles d’armées à l’expansion du Royaume et la profusion de quêtes rallongeant artificiellement la durée de vie de manière visible peut agacer à force. Mais on parcourt ce monde magnifique avec des étoiles dans les yeux, c’est déjà ça.
Ni no Kuni II : L’Avènement d’un Nouveau Royaume
- Développeurs Level-5
- Type JRPG
- Support PS4, PC
- Sortie 23 Mars 2018