C’était en 2003 que l’on mettait pour la première fois les pieds dans le vaste manoir de Black Mirror. À l’époque, on interprétait le personnage de Samuel Gordon et l’on découvrait cet univers inhospitalier où ténèbres et souvenirs familiaux ne faisaient pas bon ménage. Quatorze ans plus tard, l’alliance King Art Games et THQ Nordic nous offre enfin une nouvelle aventure de cette courte saga en trois épisodes.
Tout ce que nous voyons ou paraissons n’est qu’un rêve dans un rêve. – E.A. Poe
Dans cet « épisode 4 », le jeune David Gordon quitte son Inde d’adoption pour fouler à nouveau la terre de ses ancêtres. La mort de son père John ainsi que les affaires d’héritage l’obligent à revenir en personne au manoir écossais de Black Mirror (nom qui n’a aucun lien avec la série télévisée, signalons-le), dont l’apparence gothique semble sortir tout droit d’un livre de Lovecraft. Arrivé avec des objets et des messages énigmatiques laissés par John Gordon, et après avoir rencontré les quelques personnes résidant dans le château, David se doute que certains mystères restent encore à résoudre. Mais ce n’est qu’après avoir rencontré de manière inattendue des fantômes du passé que le doute se fait plus pesant. Tout ne tourne pas si rond entre ces murs…
L’histoire de cet opus est bel et bien un reboot et non pas une suite, comme celles que l’on a connues en 2011. Si celle-ci connaît de grandes similitudes avec son prédécesseur, nous plongeons pourtant bien dans une Écosse profonde et glauque des années 20 avec un nouveau protagoniste et de nouveaux membres de la famille Gordon. Ce qui ne change pas, c’est que cette famille n’est pas au bout de ses peines car damnée sur plusieurs générations.
De nombreux mystères et casse-têtes attendent d’être résolus dans ce point-&-click qui laisse davantage de place à l’enquête qu’à la narration ; mais ce dernier détail technique n’enlève pas de sa saveur à la trame où s’entremêlent secrets de famille bien gardés et folklore. Durant l’exploration des lieux, on sera confronté à des recherches parfois rendues floues par des objectifs plutôt vagues et des puzzles plus ou moins simples à résoudre. On en trouvera également dans le menu principal, dans la partie « EXTRA », qui devront être reconstitués grâce à des bribes de photos que l’on collecte in game. Un petit plus assez sympathique qui permet de prolonger un peu l’aventure et de faire de nouvelles découvertes.
En bref, du côté de contenu, rien de plus à ajouter : l’histoire est bien écrite, bien mise en place et le mystère s’épaissit toujours un peu plus à mesure que les recherches avancent. Directe et sans fioritures, l’enquête se résout en un peu plus de 4h à travers cinq chapitres bien délimités dans leur évolution.
Là où le bât blesse, ce serait du côté technique du jeu, et ça ne pardonne parfois pas trop.
Des défauts qui écrasent les jolies choses
Black Mirror est un jeu qui mise sur l’ambiance, et même si cela ne donne pas des sueurs froides, il se défend plutôt bien, sans pour autant faire de gros efforts.
Graphiquement très correct, on aurait tout de même pu s’attendre à un peu mieux sur quelques détails : le manoir et ses pièces sont truffés de finitions, même si certaines textures paraissent trop brillantes à la lumière virtuelle… ou apparaissent trop tard après le chargement. La définition des personnages est plutôt satisfaisante, mais leur grain de peau est assez exagéré de sorte que cela leur donne un aspect très rude. Cette option peut être désactivée dans le menu, mais alors les personnages ont l’air beaucoup trop lisses, et l’aspect fini en prend pour son grade. Enfin, l’anti-aliasing ne fait pas toujours son boulot, notamment au niveau des ombres.
« La définition des personnages est plutôt satisfaisante. »
Le background sonore est alléchant. En phase de jeu dans le manoir, seuls des sons domestiques et un bruit de fond fantomatique accompagnent les nombreux allers et retours dans les couloirs. Une musique plus tendue couvrira les moments « dangereux » de l’aventure, mais hélas toujours la même ; et celle-ci disparaît aussi vite qu’elle est apparue, c’est-à-dire sans crier gare, au milieu d’une action.
Concernant le voice acting, les voix sont en totale adéquation avec le personnage assigné, l’intonation est plutôt bien jouée, et le petit must : l’accent écossais à couper au couteau. Cependant, on aura l’impression que ce jeu d’acteur n’est pas convaincant à cause de nombreux défauts techniques, à commencer par l’absence totale d’expression faciale. Que le personnage soit effrayé, en colère, inquiet, il aura toujours l’air neutre. Peut-être un sourcillement subtil, mais sans plus.
Les actions réalisées par les personnages sont parfois lentes, parfois en décalage avec le dialogue, parfois carrément buguées. Certains gestes sont même très rigides, et on peut aussi observer des PNJ dans le décor aussi figés que le reste lorsqu’ils sont hors cinématique.
Si l’on voulait encore chicaner, on étalerait quelques autres choses qui risquent de chiffonner les joueurs et d’écraser le côté réussi du jeu à force de les mettre en évidence. On conclura donc sur ce dernier point dont on a un peu perdu l’habitude : le temps de chargement est parfois long ; et ce qui est le plus étrange, c’est que les temps les plus longs surviennent avant de très courtes scènes d’une dizaine de secondes pas plus.
Plusieurs mises à jour viendront peut-être corriger tous ces défauts qui, malheureusement, entâchent quelque peu l’enquête.
Conclusion
Après quatorze ans, l’aventure Black Mirror fait son grand retour avec une toute nouvelle peau. Mais nombreux sont les défauts techniques qui se mettent entre le joueur et le plaisir du jeu, au détriment d’une histoire intéressante à travers des décors assez somptueux. On ne parlera pas non plus d’horreur à proprement parler, mais plutôt de « fantastique » et d’enquête qui fera fonctionner un minimum vos cellules grises. Dernier point noir pour cette conclusion : 4h de jeu pour 40€, on a donc le droit de douter sur la rentabilité de l’aventure.
Black Mirror
- Développeurs THQ Nordic
- Type Point-&-click, horreur
- Support PS4, PC, Xbox One
- Sortie 28 Novembre 2017