« Ah le bon vieux temps », « c’était mieux avant », autant de phrases que les gamers d’un certain âge ont lâchées au moins une fois dans leurs vies (le rédacteur de cet article le premier). Pourtant, si l’on met de côté la nostalgie qui étreint les trentenaires, force est de constater que non, tout n’était pas mieux avant et toutes les phrases-massues du monde ne pourront pas y faire grand-chose. Petit tour d’horizon des idées reçues ici et là.
« Les jeux vidéo d’avant étaient quand même meilleurs que les bouses actuelles !»
Oui, mais non. La nostalgie possède le pouvoir inouï de nous faire nous souvenir des meilleurs moments, laissant de côté les pires souvenirs sur le bas-côté de la route de la vie (wesh, poésie gros !). Mais à y regarder de plus près, tout était loin d’être rose. Pour un Super Mario, combien de plateformer de merdes ? Pour un Street Fighter II, combien de jeux de bastons à 2 sous, finis à la pisse ? Il ne faut pas se leurrer, les ludothèques de la NES, de la Megadrive ou de la PS1 sont conséquentes et composées de plus d’étrons que de jeux cultes. Qui se souvient d’Elevator Action ? Breaker’s Revenge ? Puggsy ? Sûrement très peu d’entre nous. Car, encore une fois, le temps a balayé de nos mémoires ces « bouses » pour nous faire nous souvenir que du meilleur, de la crème de la crème. Heureusement que des gars comme l’AVGN ou le Joueur du Grenier sont là pour nous rappeler à l’ordre.
« Ouais aujourd’hui, y a plus que les FPS à la Call of ou les jeux d’actions, avant y avait plus de diversité»
C’est vrai que ces derniers temps, les FPS et les jeux d’actions se vendent bien et fatalement, on en sort à la pelle : c’est la loi de l’offre et de la demande. Mais était-ce vraiment différent dans le temps ? Si les Call of et autres Battlefield sont rois, d’autres ont porté la couronne avant eux. Les années 80-90 avaient aussi leurs genres-rois. Les beat’m all, les shoot’em up et les jeux de combats dominaient les salles d’arcades et régnaient en maître sur ces lieux de jeux sentant la testostérone et la sueur d’adolescents pré-pubères. Et sur console, les jeux de plate-formes se taillaient la part-belle du marché. Alors oui, il y avait des tas de genres différents mais certains se révélaient surreprésentés, conséquences de leurs succès.Un peu comme aujourd’hui en somme.
« Niveau créativité, c’était mieux dans le temps ! Maintenant, on nous ressort des suites et des jeux qui se ressemblent tous ! »
Il faut bien avouer qu’avec les exemples cités plus haut, on est loin du summum de la créativité. Les Call of Duty ou les Fifa s’enchainent chaque année et les différences sont à chaque fois très minimes entre l’opus fraichement sorti et son prédécesseur. Pourtant, ce recyclage éhonté ne date pas d’hier. Souvenez-vous de Megaman, Sonic, Metal Slug ou encore Street Fighter, autant d’exemples de licences qui ont enchaîné des suites qui se ressemblaient furieusement. Et pourtant, ce sont loin d’être de mauvais jeux, bien du contraire. Mais force est de constater qu’entre Megaman qui enchaine 6 opus copiés-collés ou encore King of Fighters qui pondait un opus par an, question originalité, on avait clairement vu mieux.
« Les DLC, c’est vraiment de la merde comme système, c’était mieux avant »
Loin de nous l’envie de faire l’apologie du système de DLC qui est une pratique discutable, et qui malheureusement semble bien ancrée dans l’industrie du jeu vidéo actuel. Mais ce système de jeux en « kit » existait bien à la glorieuse époque. L’exemple le plus flagrant : Street Fighter II. Capcom a toujours été le roi du DLC avant l’heure. Street Fighter II sortait en 1992 et son succès aura été immédiat. Capcom flairant la bonne affaire (ils ont le nez pour ça !) renquille direct l’année suivante avec Street Fighter II Turbo afin de lutter contre les nombreux hack de son jeu (dont les profits, cela va sans dire, n’allaient pas dans les poches de Tonton Capcom). La nouveauté ? Les 4 boss sont dorénavant jouables et la vitesse du jeu est paramétrable. Et en 1994, Capcom réitère avec Super Street Fighter II, version bien connue qui rajoute 4 nouveaux personnages et….ben c’est à peu près tout. Un peu léger comme améliorations, quand on connait le prix des cartouches à l’époque. Car pas question en ce temps-là de payer 10 ou 15 euros pour ces « ajouts » , il fallait payer le prix d’un jeu complet.
« Mais y en a que pour le fric maintenant ! »
Au risque de briser les illusions de certains, les développeurs/éditeurs de jeux ne sont pas des associations caritatives et leurs employés des bénévoles qui bossent gratuitement pour l’amour de l’art. Le but du jeu vidéo est de divertir mais aussi de rapporter de l’argent, comme le cinéma ou la littérature. Aujourd’hui, les budgets sont pharaoniques et les développeurs jonglent parfois avec des centaines de millions de dollars. Difficile de ne pas vouloir rentabiliser au maximum, quitte à sacrifier un peu la créativité. Heureusement, il reste la sphère des jeux indé pour encore garder ce compromis entre rentabilité et nouvelles idées.
« Les jeux d’aujourd’hui sont trop courts et trop faciles ! »
Difficile de nier l’évidence : les jeux actuels se bouclent en général assez vite et la difficulté globale des jeux a été revue à la baisse. Enfin, à quelques exceptions près bien entendu (oui Dark Souls, c’est toi que je regarde !) Mais à y regarder de plus près, était–ce si différent il y a 20 ans ? Prenez un peu n’importe quel jeu de cette époque et tentez de le finir, sans trop vous presser. Vous constaterez assez vite que la durée de vie n’excède que rarement 3-4heures (et encore, on est gentils). Sans compter que les genres de jeux qui avaient la cote à l’époque ne se prêtaient que rarement à de longues durées de vies. Plateformes, shoot, jeux de combat, autant de types de jeux calibrés pour des sessions courtes. Mais on ne se rendait pas forcement compte de cette durée de vie rikiki à cause d’un autre élément : la difficulté.
Car quel meilleur moyen rapide et bon marché pour faire durer un jeu si ce n’est de le rendre difficile. Parfois même atrocement difficile (voir The Addams Family: Pugsley’s Scavenger Hunt). Et oui, à force de recommencer encore et encore les mêmes passages, on ne se rend pas compte que le jeu est au final bien court. Néanmoins, cette difficulté a aussi une autre explication.
Les années 80-90 furent celles des salles d’arcades, tout le monde le sait. Et quel est le principe de ces salles ? Payer pour jouer. On met une pièce, on joue, on perd et on remet une pièce. Si votre jeu est trop facile, les gamins ne mettront pas beaucoup de deniers dans vos machines. Alors que si le soft se montre retors, il devra aller quémander des pièces chez papa et maman pour continuer sa partie. Enfin, rappelons-nous qu’en ces temps reculés, nous n’avions pas 20 ou 30 ans : nous étions des enfants et souvent des novices. Ce qui aujourd’hui nous semble trivial relevait du challenge il y a 20 ans. Les jeux d’époques nous paraissent plus durs car nous étions aussi moins bons, moins habitués au jeu vidéo et à ses mécaniques que nous ne le sommes aujourd’hui, en cette année 2014 qui s’achève bientôt.
« Donc en fait, finalement c’était pas mieux avant ? »
Non, pas vraiment. Les jeux rétro recelaient en eux une sorte de magie, une magie que l’on peut mettre sur le compte de divers facteurs comme notre âge à l’époque, la fraîcheur d’un média encore très jeune et une sorte d’insouciance qui régnait en ce temps-là, etc. Mais c’était aussi le cas des joueurs que nous étions, des enfants avec leur part d’innocence et cette saine curiosité qui caractérisait nos jeunes années. Alors non, objectivement, tout n’était pas rose et les défauts du jeu vidéo actuel ne sont que le reflet de ce passé, au final, pas si parfait que ça. Mais les souvenirs de ces années resteront gravés dans nos mémoires, quitte à être un peu tronqués.
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