Les jeux avec une ambiance western ne sont pas légion et c’est bien dommage ! Alors, quand on a annoncé qu’un tactical RPG au tour par tour (mon petit plaisir coupable) allait bientôt pointer le bout de son nez avec ses santiags et son six-coups, je vous laisse imaginer mon allégresse ! J’attendais assez bien Hard West au tournant tant ses promesses de nouveautés en terme de gameplay et d’ambiance paraissaient alléchantes sur la page de son Kickstarter. Mais qu’en est-il en fin de compte ? Est-ce un énième jeu qui ne tient pas tous ses engagements et déçoit ses crowdfunders ? Ou est-ce qu’on aura enfin un jeu qui respecte à la fois ses promesses, mais également ses joueurs ?
Le monde se divise en deux catégories…
Comme nous le disions au tout début, Hard West est un tactical/RPG au tour par tour à l’instar d’un Fallout Tactics (pour les vieux de la vieille) ou d’un XCOM (pour les plus jeunes… ou pour les vieux aussi). Pour parler plus concrètement, le jeu se divise en deux phases : une phase exploration où vous mènerez votre fine équipe aux quatre coins d’une (petite) carte remplie de divers lieux à visiter et une phase de combat où ce sera enfin le moment de faire parler la poudre. On va un petit peu s’attarder sur ces éléments de gameplay !
Pour la partie exploration, ce sera clairement le moment où les qualités RPGesques du titre vont s’exprimer : il faudra arpenter la carte de fond en comble pour trouver des ressources (argent, consommables et équipements) acheter/revendre dans des magasins, récolter de l’or, braquer une banque ou encore piller des tombes (oh oui, du loooooot !). Ces équipements peuvent être de plusieurs sortes : il est possible d’acheter (ou de « trouver », petit filou que vous êtes) des armes, des armures, des objets « enchantés » et des cartes de poker. S’il est possible de trouver de tout et n’importe quoi en matière d’armes et d’objets (on peut même trouver un révolver à 18 coups !), les cartes de poker prennent une place particulière car, en plus d’améliorer les caractéristiques de vos personnages (HP, précision, vision, déplacement, etc.), elles confèrent une capacité spéciale qu’il sera possible d’activer lors des phases de combats (on en reparlera lorsqu’on parlera des combats, c’est promis).
En dehors de la collecte de ressources, la carte d’exploration servira également (et surtout) à avancer dans l’histoire principale : au début de chaque campagne, on vous donnera un premier objectif qu’il faudra remplir pour passer au second et ainsi de suite jusqu’à clôturer la campagne (rien d’exceptionnel jusque-là). Cependant, ces objectifs peuvent être atteints de différentes façons et, il faut bien l’avouer, certains choix que vous devrez effectuer seront « radicaux » et heurteront votre petit cœur de justicier de l’ouest (oui… le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont fait péter la bombe nucléaire dans Fallout 3 et ceux qui ont protégé la ville de Mégaton… je ne fais pas partie des premiers et je ne vous félicite pas si vous faites partie de la seconde, vil coquin !). Et c’est d’autant plus vrai que certains choix ont des conséquences totalement imprévisibles et que vous vous en voudrez d’avoir fait le mauvais choix. A vous de voir si vous voulez sauver le far west ou, au contraire, le mettre à feu et à sang en mesurant le pour et le contre de chacune de vos décisions.
…ceux qui passent par la porte (R.I.P.) et ceux qui passent par la fenêtre
Des phases de combats prendront place à certains moments dans la carte d’exploration et ce sera le moment de faire péter vos skills de tacticien. En vue de trois-quarts, il faudra positionner sagement vos protagonistes derrière des fûts et des diligences (entre autres) pour éviter qu’ils ne prennent littéralement du plomb dans l’aile. Savoir s’abriter est un facteur essentiel dans ce jeu car cela vous rend non seulement plus difficile à viser, mais cela applique également une certaine réduction de dégâts en fonction du degré de couverture (moitié ou couverture totale). Il est même d’ailleurs possible de renverser des tables ou d’ouvrir des trappes pour se créer une couverture de fortune. Bref, les développeurs ont été conscients de l’importance du système de couverture et ont mis clairement le paquet sur le design des niveaux qui est, on peut le dire, une bonne réussite.
La progression du combat se fera donc essentiellement en avançant vos héros à travers la carte et en répliquant aux tirs des ennemis. Pour ce faire, vous possédez deux points d’action par tour, sachant que tirer vous fait perdre tous vos points d’action. La stratégie consistera donc essentiellement à vous déplacer pour contourner la défense de l’ennemi pour ensuite lui tirer dessus. Cependant, le résultat n’est pas garanti car Hard West introduit un facteur de plus qu’il faudra prendre en considération : la chance. En effet, chaque personnage possède une certaine quantité de chance : plus il aura de chance, plus il pourra esquiver la balle et ce, même si le pourcentage de réussite de tir est élevé. Ainsi, tous les personnages sont revêtus, en quelque sorte, d’une « armure de chance » qu’il faudra faire tomber au préalable pour augmenter ses chances de succès. Chaque tir raté fait baisser cette armure (ce qui est logique : au bout d’un moment, la chance vous quitte) et, au contraire, chaque tir qui touche au but la fera remonter (« principe » de la foudre qui ne tombe pas deux fois au même endroit… enfin… pendant un certain moment).
Cette même chance ne sert pas que d’armure car elle sera également utile pour activer certaines capacités. Vous vous rappelez des cartes de poker dont je parlais un peu plus haut ? Ce sont ces mêmes cartes qui vous confèrent des capacités et que vous pourrez activer pendant les combats pour autant que vous ayez suffisamment de chance pour les activer. Ces capacités sont très nombreuses et peuvent radicalement changer l’issue d’un combat : il pourra s’agir de « tir d’or » qui réussit automatiquement avec un maximum de dégâts, de ricochet pour que la trajectoire de la balle soit déviée sur une surface métallique (très pratique pour choper un ennemi qui campe), voire même de cannibalisme pour récupérer des HP.
Mais tout n’est pas qu’une question de combat : le plus souvent, avant chaque combat, vous aurez une phase de préparation où les ennemis ignorent encore que vous allez les attaquer. Vous pourrez alors vous déplacer en toute discrétion (en veillant toutefois à ne pas éveiller leurs soupçons) pour éventuellement tendre une embuscade ou pour carrément remplir vos objectifs en mode « fufu/ninja ». Si vous avez la discrétion d’un éléphant ivre mort ou que vous avez fait une bêtise, sachez que tout n’est pas perdu : il vous est possible de menacer un ennemi en lui pointant votre revolver pour retarder l’alerte (et donc, le lancement de la phase de combat).
Cet aspect tactique du jeu est très alléchant et on peut penser que l’on va pouvoir passer des heures et des heures de stratégie à planifier dans ses moindres recoins pour assouvir nos plaisirs pervers de psychorigides accro à la gestion… eh bien… on peut dire que c’est raté ! Et ce, pour deux raisons : le gameplay est très déséquilibré (je n’ai rien contre les gameplays asymétriques mais, là, il faut avouer que les capacités offertes par les cartes de poker sont clairement abusées) et l’IA est vraiment débile. Pour les capacités, si vous ne voulez pas vous gâcher le plaisir, je vous conseille vivement de ne pas les utiliser. Par contre, on ne sait pas faire grand-chose avec l’intelligence artificielle… Concrètement, l’IA arrive à gérer plus ou moins la présence d’un de vos personnages en face des ennemis : ces derniers vont essayer de vous contourner pour tenter de vous faire manger vos santiags. Donc là, ça va… mais quand l’ennemi fait face à deux personnages, tout se gâte : l’IA ne va se focaliser que sur un de ses personnages et complètement oublier le deuxième comme un vieux souffrant d’Alzheimer, ce qui donne souvent lieu à des situations absurdes où l’ennemi va se cacher pour le premier personnage mais va complètement se découvrir pour le second. Encore mieux : parfois, on reste bouche bée devant l’IA qui vous fonce dessus pour se mettre complètement à découvert et ce, sans aucune raison valable et ni aucun avantage stratégique à la clé ! Les combats prennent souvent l’allure d’un tir au pigeon où il faut bêtement attendre que l’IA fasse des siennes bien à l’abri derrière la fenêtre d’un bâtiment.
Et on a beau essayer d’accroitre la difficulté ou de tout faire pour éviter que l’IA déconne : rien n’y fait ! C’est vraiment dommage car, s’il y avait bien un aspect à ne pas négliger dans ce jeu, c’était bien l’IA.
Dieu n’est pas avec nous et il déteste les corniauds de ton genre
Côté ambiance et scénario, on en aura pour nos sous : puisant dans l’imaginaire collectif du Far West (allègrement alimenté par les films avec Clint Eastwood et John Wayne), les images-clés et stéréotypes du western classique et spaghetti sont quasiment tous présents (Colts, Stetsons, chariots de colons, banques, bandits mexicains, crâne de bœuf avec ses cornes, etc.) avec également un ajout que je trouve génial (mais qui ne fait pas l’unanimité) : l’intégration du surnaturel comme élément clé du scénario. Grosso modo, pour ne rien vous spoiler, l’histoire va se centrer sur deux protagonistes abandonnés de dieu qui menaient une vie « pépère » dans la normalité du Far West jusqu’à ce que le « diable » (ou pas… qui sait ?) vienne les tenter et essaie de les précipiter dans le côté obscur… Et je dois avouer qu’avec le travail fait sur les environnements, le scénario et les graphismes « on ne peut plus corrects pour une production indépendante » ont fait que j’ai complètement mordu à l’hameçon et que je n’ai pas vu le temps passer. Petite mention spéciale d’ailleurs à la musique qui est tout simplement excellente et qui plonge un peu plus le joueur dans l’ambiance (on la doit d’ailleurs à Marcin Przybyłowicz, l’auteur de l’excellente ost de The Witcher 3). Et, petite cerise sur le gâteau, on a même droit à une fin, certes un peu convenue, mais épique à souhaits et qui vous laissera un bon souvenir (sachez qu’il existe 3 fins différentes : encore mieux !). On peut toutefois déplorer un certain manque d’approfondissement du scénario : il est difficile de s’attacher aux personnage-clés car, au final, on ne sait que très peu de chose sur eux. On aurait vraiment aimé avoir plus détails sur les acteurs principaux de cette tragédie, surtout que le background était déjà là et qu’il ne suffisait que de « creuser » un petit peu plus l’histoire… quitte à ne rajouter que des flashbacks sous forme de vidéos ou même de textes au lieu de se contenter d’ellipse ô combien pratiques.
Conclusion.
Hard West est le jeu typique qui avait tout pour être la référence de l’année en matière de jeu indépendant mais qui, par manque d’approfondissement, a raté cette occasion : l’IA ne vaut clairement pas un clou et le gameplay aurait dû être un peu plus équilibré pour apporter une satisfaction pleine et entière aux amateurs de tactical/RPG. Cependant, il faut rendre à César ce qui est à César : ce jeu est vraiment bon ! L’ambiance est géniale, les graphismes sont bons, l’histoire est prenante, etc. Bref, ce jeu vaut clairement le détour, d’autant plus qu’il vous procurera une excellente aventure qui durera entre 20 et 25 heures ce qui est très honnête compte tenu du prix auquel il est vendu (plus ou moins 20 euros).
Hard West
- Développeurs : CreativeForge Games
- Type : Tactical RPG au tour par tour
- Support : PC
- Sortie: 18 novembre 2015
Y’a bon!
- Ambiance sonore et visuelle
- Graphismes très bons pour une prod indé
- Gameplay bien pensé (notamment pour le facteur chance)
- Level design
- Très bonne localisation en français
- Très bonne durée de vie
- Scénario captivant et bien développé…
Beuargh!
- … mais qui aurait pu être plus approfondi
- Le système des capacités qui déséquilibre trop le gameplay
- Une IA incroyablement calamiteuse
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