Malgré leur apparente bonhomie, je soupçonne mes comparses de la rédaction de vouloir faire de moi le préposé aux jeux en vue de dessus. Après The Next Penelope, Titan Souls, Blue Flamingo, Hotline Miami 2 et Invisible Inc. Plus récemment, je reviens à mes premières amours puisque après avoir commencé ma carrière barbecuesque sur Door Kickers, me voici aujourd’hui avec Breach & Clear DEADline. Que donne la déclinaison « chair en putréfaction » du jeu de stratégie option forces spéciales ?
Pour ceux qui ignorent l’existence de la licence Breach & Clear, sachez qu’il s’agit d’un jeu de stratégie en vue isométrique où l’on dirige une escouade des forces spéciales. Comme dans Door Kickers que j’évoquais plus haut, on doit planifier et exécuter sans heurt des opérations diverses et variées qui vont de la moisson de malfrats au sauvetage musclé d’otages innocents. La version « vanilla » de Breach & Clear proposait quelques gros défis et surtout la possibilité d’incarner les forces spéciales de différents pays, influant ainsi sur les compétences de chaque équipe. Un jeu qui se prenait au sérieux, et réussissait son œuvre en s’adressant à ceux qu’avaient conquis les Rainbow Six pure souche et autres Frozen Synapse.
Fiers du travail accompli et certainement en quête d’un petit fix de rigolade après une telle déferlante de serious business, les petits gars de Mighty Rabbit Studio ont soigneusement démembré leur bébé pour le resculpter. L’élément central de la nouvelle recette ? L’ingrédient phare de ces dernières années : le mort-vivant.
N’allez pas croire que je peste contre ceux qui succombent aux sirènes de la contamination quasi-totale de l’Humanité, je suis moi-même plutôt friand des séances de tronçonnage de zomblards vidéoludiques. En revanche on ne peut pas dire que l’idée soit très innovante, et force est de constater que le bestiaire de Breach & Clear DEADline tape dans l’ultra-conventionnel. On retrouve donc dans la catégorie des gens qui veulent notre peau les zombies classiques, du lent et inoffensif tant qu’il n’est pas en mesure de nous taper sur l’épaule, à celui qui se rue sur nous sans crier gare en passant par l’insupportable incapable de mourir sans effets pyrotechniques parfumés à l’acide nitrique. Notons quand même qu’on trouve tout de même parfois des survivants humains, qui semblent s’être réunis autour d’un même culte : le port du t-shirt rouge.
Dans Breach & Clear DEADline, on dirige 4 soldats complètement à nos ordres. Passé un court tutoriel où l’on apprend les rudiments de la planification d’actions, on nous propose de personnaliser notre équipe. C’est un des premiers contacts avec les horreurs visuelles que le jeu est capable d’offrir… La modélisation des visages laisse sincèrement à désirer, et l’absence de possibilité d’avoir des femmes dans son équipe (elles sont d’ailleurs quasi-absentes du jeu) en rajoute une couche. Prénom, nom, visage, et nom d’escouade, vous pouvez vous fabriquer une équipe qui vous ressemble vraiment. La mienne était composée de mes acolytes de la rédac’. Désolé Apo si y’avait eu la possibilité de faire des filles je t’aurais recruté direct.
Le vrai gros changement de Breach & Clear DEADline par rapport à son prédécesseur, c’est l’apparition d’un mode Action. L’intégralité des déplacements et exécutions d’ordres se faisaient dans l’épisode précédent via un mode Commandement, en vue exclusivement de dessus et à l’aide d’une sorte de pause active. Ici, tout change et on abandonne une bonne partie du fonctionnement initial.
DEADline se déroule en monde ouvert, qu’il vous est libre d’explorer en mode Action. Un mode en temps réel où l’on dirige l’escouade à l’aide d’un de ses membres, en tête de peloton. Ses trois acolytes lui collent au train tout en restant vigilant et en n’hésitant pas à vider quelques chargeurs à la vue du moindre élément hostile. L’exploration est à ce propos assez morose : j’entends par-là qu’elle n’est pas récompensée. En vérité, tant que vous n’avez pas eu d’objectifs à remplir à l’endroit que vous découvrez, il ne contiendra aucun ennemi. On se retrouve à arpenter les rues désolées d’une ville ravagée par l’épidémie et la guerilla, mais vide de toute vie (ou mort-vie). Et comme pour sublimer ces moments d’incohérence, il est possible d’aller et venir sur la map au moyen de déplacements rapides… matérialisés par des arrêts de bus.
Tout ça entrave un peu l’immersion et surtout la bonne volonté du joueur de vivre cet environnement. Pourtant, ça partait pas si mal. Plutôt que de nous sortir le coup de l’épidémie venue de nulle part, Breach & Clear DEADline surfe sur l’attaque terroriste bactériologique, celle-là même qui vole les virus dans les labos et envoie un Ver contaminer les cerveaux de tout un chacun.
De poignée de bidasses en déroute après un crash d’hélico, notre équipée se retrouve à combattre cette saleté de rhume carabiné, tout en aidant aussi les survivants -les gentils, et donc pauvres et morts de faim-.
Ainsi, toutes les missions s’effectuent de manière « linéaire » dans le sens où le jeu nous donne des quêtes à accomplir, certaines s’inscrivant dans l’intrigue principale, d’autres tout à fait aléatoires visant seulement à monter les niveaux de vos soldats. Chaque niveau donne un point de compétence, point qu’il est possible d’utiliser pour améliorer une compétence au sein d’un arbre. Bien sûr, il existe dans DEADline des classes de personnage, au nombre de six. Elles sont somme toute assez basiques, on retrouve le Médecin, l’Expert en explosifs, l’Eclaireur, où le Soutien qui défouraille en retrait avec sa sulfateuse. Il est donc possible de créer une équipe assez complète, ce qui vous sera très utile lors des gros affrontements en mode Commandement. Notez qu’il est possible de faire l’intégralité du jeu uniquement dans l’un des deux modes mais vous vous retrouverez vite bloqué. Le mode Action va se révéler trop difficile lors des escarmouches où votre escouade se retrouvera en écrasante infériorité numérique. Et le mode Commandement vous fera perdre un temps fou lors de l’exploration.
Le jeu a donc le bon goût de switcher automatiquement en mode Commandement quand vous vous retrouvez dans de grosses embuscades. Celles-ci vous poussent véritablement à l’observation et la planification minutieuse. Car les groupes d’ennemis bougent souvent et il faudra faire avec plusieurs facteurs intrinsèques à votre groupe. Tout d’abord, l’utilisation des compétences spéciales : spécifique à chaque classe, elle permettent souvent de temporiser et de donner l’avantage à vos soldats de manière individuelle ou globale. Un tir de suppression qui bloque une horde de zombies permettra à vos coéquipiers de vous en débarrasser sans encombres.
Mais gare à la nouvelle déferlante de beuglards qui arrive derrière vous, le cooldown de la compétence ne vous permettra pas -du moins tout de suite- de réitérer la temporisation. Il faudra faire appel à votre sens du positionnement (l’espace offrant des recoins et des abris pour votre équipe). L’autre moment qu’il vous faudra gérer correctement, c’est le rechargement de vos soldats. Prenant environ 5 secondes, c’est un temps mort extrêmement dangereux pendant lequel vous ne pouvez presque rien faire. Attention donc à ne pas vous retrouver avec quatre soldats qui rechargent au même instant, cela mènera sûrement à un festin où vous serez le plat de résistance. D’autant qu’à partir du moment où un zombie est arrivé au corps-à-corps avec vous, impossible de fuir, il va falloir le tuer, et subir les dégâts qu’il infligera le temps que vous réussissiez à l’abattre.
Ces escarmouches constituent le seul point positif et les seuls moments de tension et de satisfaction qu’offre Breach & Clear DEADline. Le jeu, bourré d’incohérences, souffre d’un manque cruel de rythme, celui-ci se retrouvant réduit à des rebondissements entre les quêtes réduits à des ficelles éculées. Ces quêtes sont par ailleurs très frustrantes puisqu’on se retrouve à parcourir la ville de long en large et d’un bout à l’autre en rencontrant toujours les mêmes ennemis. Des déplacements rendus désagréables par la mini-map (et la map qui l’accompagne) affreuse au possible et vraiment loupée d’un point de vue ergonomique.
Côté cosmétique, si les animations bancales sont tout au plus passables, le tout reste singulièrement générique. La bande-son qui accompagne le jeu, sans être insipide devient rapidement répétitive… Il faut cependant signaler la localisation française, très propre et soignée. Le jeu n’ayant pas de lignes de dialogues audio, l’accent a été mis sur les textes, traduits parfaitement et saupoudrés d’expressions bien de chez nous.
Ce qu’il manque clairement à Breach & Clear et qui manque du même coup à Mighty Rabbit, ce sont des moyens. Clairement, le studio n’a pas manqué d’ambition, et même si la volonté d’axer leur petit bijou vers la mode du zombie en rembrunira plus d’un, les idées étaient là et DEADline aurait pu faire un bon jeu, sans être un chef d’œuvre. Malheureusement, le coup d’essai finit en coup d’épée dans l’eau.
Conclusion, je dis non ! Mais un avis, je dis oui !
Breach & Clear DEADline est comme ses zombies : il n’est pas très beau et fait n’importe quoi. Sans être une plaie totale une fois que l’on y joue, il faut bien avouer qu’on s’y ennuie vite. Entravé par son rythme agonisant, ses incohérences pas assez absurdes pour qu’on en rigole, le titre de Mighty Rabbit s’essouffle vite malgré des moments de bravoure plutôt jouissifs lors des escarmouches. Trop poussif pour le monde ouvert, son mode Action gangrène le reste du game-design, embarquant dans sa chute la narration. Une prise de risque ambitieuse qu’il faut saluer de la part des concepteurs, mais qui n’égale pas la maestria de l’original. Dommage !
Breach & Clear DEADline
- Développeur Mighty Rabbit Studios
- Type Stratégie/Action avec des zombies
- Support PC (Steam)
- Sortie 20 juillet 2015
Dans le même genre :
- Breach & Clear (l’original)
- Door Kickers
- Frozen Synapse
- Les jeux où faut tuer des zombies mais en réfléchissant avant
Y’a bon!
- La personnalisation des soldats et des armes
- La localisation en français
- Quelques jolis effets
- La tension des escarmouches en infériorité numérique
Beuargh!
- Graphismes affreux
- Animations bancales
- Aucun rythme
- Exploration frustrante et pas récompensée
- Incohérences dans le game-design
- Dimension monde ouvert/action malvenue
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