Sur le papier, la recette de Skyshine’s Bedlam a le mérite d’allécher. Citant d’augustes références telles qu’XCOM, FTL : Faster Than Light, Mad Max ou Banished (édité lui aussi par Versus Evil), le jeu promet un voyage semé d’embûches dans un wasteland moins accueillant qu’un guichetier dans un bureau de poste. Combats au tour par tour en 2D isométrique, génération procédurale et verbiage fleuri, voilà le lot quotidien d’un millier d’exilés en quête de la terre sainte : Aztec City.
Comment refuser les avances d’un jeu se réclamant de l’illustre Faster Than Light ? Bien sûr il ne suffit pas d’invoquer l’un des ambassadeurs de la renaissance du rogue-like pour d’emblée devenir un millésime. Mais cela témoigne en tous cas d’un goût certain et ça a toujours le mérite de piquer la curiosité. Skyshine’s Bedlam sait aussi faire du gringue à nos mirettes : l’esthétique très Borderlandesque et colorée ravira les fatigués des wastelands mornes et gris.
A l’instar du titre de Subset Games sus-cité, Skyshine’s Bedlam est une fuite en avant. Une fuite qui a comme point de départ la cité de Byzantine, une des dernières métropoles civilisées, dirigée d’une main de fer par le tyrannique King Viscera. A bord du Dozer, une forteresse mobile embarquant un millier de passagers en quête de la Terre Promise d’Aztec City, vous voilà parti à l’aventure au beau milieu du désert de Bedlam. Un paysage dévasté à l’horizon à peine décelable, bien évidemment peuplé par les plus grands salopards que la Terre ait jamais porté.
Concrètement, l’étendue de Bedlam se divise en plusieurs secteurs, qu’on est libres d’explorer ou non. On progresse point par point sur la carte, chaque trajet sacrifiant une certaine quantité des deux ressources vitales au voyage : la viande et le carburant. A chaque étape, on a affaire à un événement « aléatoire ». Ce peut-être un vagabond qui vous propose une technologie ou ses services, un combat, ou strictement rien. Et puisqu’on parle de combat, venons-en au cœur de Skyshine’s Bedlam, mais également aussi à son plus gros loupé.
Le titre propose des combats au tour-par-tour visuellement identiques à ceux de Banner Saga. Comprenez de la 2D isométrique, avec des personnages qui se déplacent sur des cases. Avant chaque rixe, on se doit de choisir jusqu’à six soldats qui se rendront sur le champ de bataille. Ces soldats sont séparés en quatre classes, somme toute très classiques. Un sniper, faible mais doté d’une grand portée (bien que la portée de tir des différentes classes soit très spéciale, on y reviendra), un tank très résistant mais qui n’attaque qu’au corps-à-corps, un bourrin armé d’un fusil à pompe dévastateur, et enfin un « Gunslinger » armé de deux pistolets-mitrailleur qui est un mélange équilibré entre résistance, dégâts, et portée. La grosse particularité de Bedlam réside dans le fait qu’à chaque tour, on est autorisés à n’effectuer que deux actions. Ainsi, on peut choisir de déplacer deux fois de suite un même personnage, d’en déplacer un puis d’en faire tirer un autre, d’en déplacer deux, d’en faire tirer deux… et ainsi de suite selon notre bon plaisir.
Enfin, j’utilise le mot plaisir mais ces phases de combats plombent complètement l’expérience. Pour commencer, la disposition des différents personnages au début du combat se fait de manière aléatoire, niant toute implication stratégique du joueur dans le placement de ses pions. Alors même qu’on a pas commencé à se mettre sur la tronche avec des mutants dégueulasses, on est déjà en train de se demander comment nos troupes vont s’en sortir. Tant et si bien qu’au lieu de nous servir une approche tactique originale à la manière d’une partie d’échecs, Skyshine’s Bedlam déballe plutôt un simulateur de gestion de crise qui hérisse le poil d’autant plus qu’avant d’espérer progresser plus avant dans la partie, il faudra essuyer un bon nombre de défaites causées par de bêtes erreurs de placement.
On pourrait bien évidemment louer les efforts d’anticipation que demande le jeu mais ces efforts sont rarement récompensés. Par exemple, en cas de défaite, on ne gagne aucune ressource. Si l’on décide de fuir le combat plutôt que de voir nos derniers soldats se faire laminer, des civils quitteront l’expédition, préférant tenter leur chance au beau milieu d’un désert qu’on sait par expérience déjà hostile à des soldats bien entraînés. La présence de bonus de ressources disséminés sur la grille lors des combats poussera les plus téméraires à la cupidité, qui bien souvent sera sanctionnée par des morts dans leurs rangs. A vrai dire, la latitude laissée au joueur lors des combats est famélique.
Une latitude d’autant plus atrophiée qu’on pourrait qualifier la portée d’attaque des soldats d’étrange. Pour donner un exemple, la portée du sniper se limite à la seule périphérie d’un cercle qui l’entoure. En gros, vous tirez huit cases devant vous. Pas sept, pas neuf, huit. Autant dire qu’avec deux points d’actions pour toute une équipe et avec une horde d’insouciants barjos en face de nous, c’est plutôt tendu de s’en sorti indemne.
En dehors des combats, la progression sur la carte se fait de manière assez poussive, et on se retrouve très rapidement à croiser les mêmes événements. Et si l’ordre dans lequel ceux-ci arrivent à nous est aléatoire, leur issue est toujours la même. Après quelques heures de jeu, on apprend rapidement à retenir les bons ou les mauvais choix à faire lors d’une rencontre… Chacune des réponses ne menant qu’à deux issues possibles : combats ou gain de ressources. En parlant de ressources, il serait utile d’en aborder une troisième : les cellules d’énergie. On en ramasse lors des combats et lors de certaines rencontres, et elles ont deux principales utilités. La première, salutaire, d’utiliser des « pouvoirs » ou des armes équipées sur le Dozer. Chacune à ses spécificités, et bien évidemment un cooldown. Dans des combats à l’issue floue voire carrément tragique, une frappe de gaz toxique au beau milieu de vos adversaires pourrait bien vous faire gagner quelques précieux tours.
Quant au second usage des cellules d’énergie, il s’agit de l’amélioration du Dozer. En sacrifiant quelques une de ces cellules dans des sortes de perks, on pourra au choix réduire la consommation de bouffe et/ou de carburant, ou encore la vitesse à laquelle vos soldats blessés récupèrent. On vous avoue franchement qu’hormis l’économie de ressources proposées par ces perks, les autres améliorations sont peu utiles, ou en tous cas pas aussi vitales. Déjà, il y aura peu de blessés : surtout des morts. Et quand bien même un de vos troufions oserait revenir blessé du combat, on le considérera comme mort au moment d’envoyer les troupes au sol.
Toute cette souffrance vidéo-ludique est néanmoins bien enrobée, que ce soit côté visuel ou côté sonore. La musique, discrète, accompagne bien le périlleux voyage sans se faire trop répétitive. L’esthétique dont nous parlions en introduction fait le boulot avec ses contours gras, mais est malheureusement plombée par une interface lourdingue et envahissante. Des gros boutons un peu moches, des cases carrées du même tonneau et une police de caractère sans âme nuisent à la lisibilité des différents menus que l’on se fade à longueur de partie. C’est d’autant plus regrettable que les différents textes des rencontres sont bien écrits, bien que verbeux et complexes pour les réfractaires à la langue de Shakespeare. Une écriture solide et fleurie qui vient donner un peu de corps à un univers qui puise allègrement dans les différents mythologies post-apo.
http://www.youtube.com/watch?v=8YmrdwgmM7A
Conclusion, je dis non ! Mais un avis, je dis oui !
En un mot comme en cent, Skyshine’s Bedlam n’est pas amusant. Se coltiner les combats fondamentalement mal fichus est un vrai calvaire et seuls les plus persévérants -ou maso, c’est selon- verront le bout du voyage. L’expérience ne manque pourtant pas de gueule et fait même envie de prime abord, mais accuse violemment le coup d’un game-design aux fraises. Remarquons tout de même que les développeurs font un important et conséquent -et nécessaire- travail de suivi de leur jeu, avec des mises à jour régulières et pleines des ajouts et remarques des joueurs. Qui sait, un jour Skyshine’s Bedlam sera peut-être ce qu’il promettait à sa sortie, mais pour l’heure, on ne peut qu’espérer.
Skyshine’s BEDLAM
- Développeur Skyshine Games
- Type Rogue-like, Stratégie
- Support PC (Steam)
- Sortie 16 septembre 2015
Y’a bon!
- Des bonnes références
- Joli
- Ambiance réussie
- Textes narratifs bien écrits
Beuargh!
- Tout le système de combat, abominable
- Beaucoup trop difficile
- Evénements « aléatoires » avec deux issues uniques
- Interface lourdingue et envahissante
- Pas de localisation française prévue pour les anglophobes
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