Deux ans. C’est le temps de gestation de celui que l’on nommait auparavant Wasteland Kings. Deux ans, c’est aussi probablement le temps qu’il faudra à un joueur, même chevronné, pour venir à bout de Nuclear Throne. La mutation finale du titre de Vlambeer est sadique, instantanément jouissive et donc addictive comme jamais.
De Ridiculous Fishing à LUFTRAUSERS, s’il y a bien une chose qui caractérise les jeux développés par Vlambeer, c’est le fait de tirer frénétiquement sur une quantité souvent élevée d’ennemis. Logiquement, Nuclear Throne fait de la vidange de chargeurs sa composante principale, enrobant le tout d’accents rogue-lite & dungeon-crawler. Le titre s’appuie sur des mécaniques éprouvées, étayées par le talent des deux comparses, pour plonger le joueur dans l’inaccessible quête de la chaire radioactive évoquée dans le titre. En combinant génération procédurale des niveaux et de leurs habitants, nervosité extrême et foultitude de secrets, Nuclear Throne plonge le joueur dans une euphorie littéralement apocalyptique.
Un aspect au centre des préoccupations du duo venu d’Utrecht. Une oreille prêtée à Jan Willem Nijman et Rami Ismail et l’on remarque que leur leitmotiv est avant-tout de procurer au joueur la meilleure sensation possible. Où plutôt, les meilleures sensations, et celles convoquées par le travail minutieux du studio s’entremêlent avec violence pour notre plus grand plaisir. Souffrance, fureur, souffrance, jubilation. Comme si, du novice à la brute épaisse revenue des pires manic shooters, personne ne méritait de poser son derrière sur le trône tant convoité.
A l’instar d’un certain RPG à roulades ayant capitalisé sur la souffrance de l’éternel recommencement, Nuclear Throne ne fait aucun cadeau au joueur et le laisse apprendre de ses échecs cuisants et humiliants des premières heures de jeu. Un passage obligé pour espérer conquérir le séant atomique, qui mènera chaque joueur à des façons de jouer différentes, sublimées par la superbe brochette de personnages disponibles ou à débloquer, chacun bien évidemment unique en son genre.
On pardonnera à Nuclear Throne les errements intrinsèques à la génération procédurale, seul élément laissé au bon vouloir de la machine. Car sous le capot impétueux des péripéties proposées par le jeu, les tauliers de Vlambeer ont réglé au millimètre chaque petit détail. Il faut écouter Jan Willem Nijman, interviewé par Rock, Paper, Shotgun à propos des sensations qu’on peut ressentir en jouant, pour comprendre la machinerie visuelle et sonore derrière cette exaltation manette en main :
« Quand vous tirez avec le revolver dans Nuclear Throne, tout d’abord il y a le bruit du revolver qui est joué, puis une petite douille est éjectée à une vitesse relativement basse (2 à 4 pixels par seconde, à 30fps, pour une résolution de 320×240) dans la direction que vous visez, + 100 à 150 degrés de décalage. La balle sort de l’arme et “vole” à 16 pixels par image, avec un décalage de 0 à 4 degrés dans la même direction. La caméra recule alors de 6 pixels à l’opposé de la direction visée, et “ajoute 4 au screenshake”. Le screenshake augmente rapidement, le total étant, en pixels, la distance en haut, en bas où sur les côtés avec laquelle la caméra peut bouger.
Le sprite de l’arme recule un petit peu, et revient à sa place initiale très rapidement. La balle tirée est circulaire quand elle est éjectée, lors de sa première frame, puis prend une forme plus classique, c’est une façon très simple de figurer l’éclat lumineux des gaz de combustion. […] Donc, nous avons désormais une balle qui vole. Elle peut soit toucher un mur, un objet, ou un ennemi. […] Si elle touche quelque chose, cela crée un effet et on entend un joli bruit d’impact.
Toucher un ennemi crée également un effet d’impact, joue le bruit d’impact spécifique à l’ennemi en question, le fait bouger dans la direction de la balle et déclenche l’animation adéquate. Cette animation “touché !” démarre toujours avec une frame blanche, puis deux frames du personnage touché avec des gros yeux. Le jeu freeze aussi pendant 10 à 20 milli-secondes quand on touche quelque chose.
Ca, c’est juste pour le tir “basique”. […] On pourrait continuer des heures. C’est l’attention portée aux détails et la relation entre tous ces systèmes qui importent. […] Je suppose que ce qu’ont nos jeux, c’est cette vision de comment ces mécanismes peuvent être joués et ressentis de la meilleure des manières. C’est la “sensation” Vlambeer. »
Ces considérations purement techniques, voire mathématiques, ne font que donner plus de corps à ce sentiment de puissance que procure la palanquée d’armes de Nuclear Throne. Couplée à des choix de mutations judicieux, la moindre pétoire peut devenir dévastatrice. S’équiper d’une masse et de la possibilité de faire valdinguer les cadavres à l‘autre bout de la carte est à ce titre un ravissement unique. C’est cette promesse à demi-mot de combos toujours plus dévastateurs qui donne ce goût de reviens-y à Nuclear Throne, même lorsqu’il coupe court à nos velléités souveraines sans ménagement.
Sans avoir l’air d’en faire trop, il faut avouer une chose : Nuclear Throne est un jeu vidéo, un vrai. Un titre qui fait du joueur et de ses sensations sa pierre angulaire, et qui se paie le luxe de réussir haut la main. Un titre qui n’accuse jamais le coup techniquement, qui s’orne d’une bande originale parfaitement épique et qui ne manque pas une fraction de seconde de patate. Un titre interminable, infiniment méchant et en même temps tellement bienfaisant pour l’industrie, qu’il mérite largement sa couronne… et son trône.
Nuclear Throne est disponible sur Steam, GOG.com et itch.io.
Nuclear Throne
- Développeur Vlambeer
- Type Shooter/Rogue-lite
- Support PC, Mac, Linux, PS4, PS Vita
- Sortie 5 décembre 2015
Les plus
- Les sensations
- La patate des armes
- L’exaltation
- La souffrance
- La colère
- La joie
- Les larmes
- La B.O., épique
- Le lore et les secrets foisonnants
Le moins
- Le procédural qui peut faire des siennes (à moins que ce ne soit de l’auto-persuasion, pour prouver qu’on n’est pas nul)