Bon… par où commencer pour vous parler de NieR Automata ? En un mot comme en cent, c’est la digne suite du premier, ce qui est à la fois un problème et une qualité. Sachez avant tout qu’à l’image de NieR premier du nom, il y aura un avant et un après NieR Automata dans votre façon de considérer le jeu vidéo.
Inutile de NieR
La Terre est tombée il y a bien longtemps aux mains d’extraterrestres qui ont abattu sur l’humanité leur armée de machines. Ce qui restait de l’espèce humaine s’est réfugié sur la Lune, et a développé le corps des YoHRa, des unités Androïdes de combat et de reconnaissance qu’ils envoient par vagues pour éliminer la menace, et ce depuis des siècles. C’est lors d’une opération menée par l’Androïde féminin 2B dans une usine de fabrication de machines qu’elle fait équipe avec l’unité de reconnaissance d’élite 9S. Au terme d’un affrontement colossal contre des Goliaths, 2B et 9S sont contraints de se faire exploser pour endiguer la menace. Téléchargés dans la base du YoRHa en orbite autour de la lune, 2B et 9S réintègrent un nouveau corps pour continuer la lutte à la surface de la Terre… pour la Gloire de l’Humanité.
Bon dieu, si NieR Automata n’était que cela, il aurait rejoint le panthéon des AA anecdotiques, et c’est d’ailleurs ce qu’il fait si le joueur décide de ne pas s’impliquer un peu dans le jeu. En effet, le titre joue carte sur table avec vous : vous n’en tirerez la substantifique moelle qu’à condition de le terminer plusieurs fois. Au moins 3, pour être précis.
Repartons quelques instants en 2010, date de sortie de NieR sur PS3 et XBox360. Voilà un jeu qui n’avait rien d’engageant, avec son héros – en occident du moins- bourru et moche, ses textures simples et son système de combat assez basique. De tous ceux qui ont acheté NieR à l’époque, nombreux sont ceux qui ont dû l’abandonner en cours de route. Mais pour les plus persévérants, ceux qui ont été envoûtés par la musique somptueuse, ses phases de gameplay originales et variées, et sa narration qui vous retourne le cerveau, NieR a acquis un statut d’incontournable.
Sa réputation est sans doute à mettre en rapport avec un certain Mirror’s Edge, adulé au fil des années, même si au final, peu de gens y ont joué. On connaît le destin de Mirror’s Edge Catalyst, il n’en est heureusement pas de même pour NieR Automata. NieR avait aussi ensorcelé les joueurs par son histoire extrêmement travaillée mais aussi très mystérieuse. Les débats sur les Forum battaient leur plein, des sites consacraient des pages entières à l’interprétation des détails de l’histoire et on avait fini par faire le lien avec un certain Drakengard, autre titre torturé dont l’essence était à trouver dans les détails et les personnages. Les multiples fins, donc une dernière absolument déchirante pour le joueur lui-même, brisant le 4ème mur, des retournements scénaristiques et les scènes d’anthologies avaient, avec le temps, forgés à NieR une solide réputation de pépite incroyable, un titre unique mais qui resterait sans doute un petit échec commercial.
Et nous voici avec l’impensable suite, celle qui défie la logique et qui – réclamée à corps et à cri par une petite communauté – avait toutes les chances d’être une déception.
Mais on parle de NieR.
Pantins & Automates
Si vous faites partie de ceux qui n’ont pas joué au premier NieR – et vous êtes très nombreux – arrêtez-vous tout de suite et n’écoutez pas le discours marketing vous disant que NieR Automata est un jeu qui peut se jouer sans connaissance du premier. C’est complètement faux et vous passeriez à côté de trop d’éléments. Ne vous ruez pas non plus sur l’article du Playstation Blog concernant le résumé complet des événements menant à NieR Automata, vous vous gâcheriez l’une des plus belle expérience vidéoludique de la décennie. Jouez à NieR, sous peine de ne voir dans cette suite qu’un titre sans âme, froid, mal réalisé et relativement court. Si vous ne jouez pas au premier, vous ne trouverez sans doute pas la motivation nécessaire en vous-même pour aller au-delà de la seconde partie.
NieR Automata est un jeu comme on en voit toute les décennies, éprouvant, littéralement grandiose et impliquant le joueur comme jamais.
Le New Game Plus vous permet de conserver l’intégralité de ce que vous avez acquis dans les parties précédentes : améliorations, argent, armes, niveaux, objets, points de transferts… Les ennemis s’adaptent alors à votre niveau pour vous offrir un challenge continu dans les combats. Si la première partie vous plante dans les circuits de 2B, vous débutez la seconde dans le rôle de 9S, vous présentant l’histoire sous un nouvel angle. Mais à la différence de NieR premier du nom, cette seconde partie ne chamboule pas forcément votre vision des choses, même si elle contient son lot de révélations. 9S étant capable de plus de pirater les ennemis et divers éléments, il accède à des données que 2B ne saurait consulter. C’est véritablement lors de la troisième partie que votre vision de l’histoire et votre rapport au jeu vidéo vont littéralement vous sauter au visage.
Encore une fois, le doublage japonais de NieR Automata est un exemple du genre (et le jeu est sous-titré en français), les différents protagonistes ont leur propre ton et comme toujours les Seiyū japonais font un travail admirable. La musique aux envolées lyriques grandioses mais jamais grandiloquentes appuie chaque passage narratif, chaque combat et chaque moment d’exploration est un véritable régal de justesse et sait venir vous chercher aux tripes. Encore une bande-originale qui va tourner dans nos playlists pendant les années à venir. Même si j’avoue en garder un souvenir moins percutant que dans le premier, qui – il est vrai – multipliait plus les allers-retours dans les mêmes zones, martelant son OST magnifique pendant plusieurs minutes à intervalles réguliers. NieR Automata proposant un système de voyage rapide en débloquant différents points d’accès, l’imprégnation n’est pas la même. Néanmoins, attendez-vous tout de même à ressentir un souffle épique régulièrement grâce à cette musique.
Si le titre se présente comme un monde ouvert, on le définirait d’avantage comme de grandes zones reliées par des tunnels, chacune possédant son propre cachet. Une ville en ruine, une forêt avec un château médiéval, une ville sur la côte, un village, une fête foraine, un désert… chaque zone est assez grande pour ne pas se sentir tourner en rond, et certaines vont même se transformer en cours de partie. Graphiquement, et vous l’aurez rapidement remarqué, c’est d’un niveau PS3, même si la direction artistiques et certains effets rehaussent le tout et vous offrent parfois de magnifiques panoramas.
On pourrait croire que la fluidité gagnerait en stabilité, mais ici aussi, le constat n’est pas parfait, puisque des ralentissements se font sentir principalement lors de l’exploration. Rien d’handicapant, mais on se permet de se poser la question alors que les combats restent fluides, malgré leur nervosité. On sent la patte de Platinum Games, venu apporter son savoir faire. Suivant votre avatar, vous aurez diverses possibilités de combats, puisque 2B pourra bénéficier de deux sets d’armes pour varier ses combos tandis que 9S devra se contenter d’un seul set, mais pourra compter sur le piratage pour venir à bout plus rapidement de ses ennemis. Chaque arme – épée, gant, etc… – est dotée de sa propre movelist, qu’il est impossible de faire évoluer. On pourra bien entendu améliorer ses armes chez le marchand en échange d’argent et de matériaux, mais ne venez pas chercher ici une très grande profondeur dans les combats, même si ceux-ci se révèlent aussi plaisants à voir qu’à prendre en main. Cependant, à chaque amélioration, vos armes vous livreront un petit morceau du background, tout comme les quêtes annexes.
La plupart des combats – surtout contre les boss – deviendront vite brouillon à cause de leur vitesse et des attaques fusant de toute part. Heureusement, une esquive proche du Witch Time de Bayonetta relativement permissive vous permettra d’éviter la plupart des attaques, le tout étant de trouver le bon timing. De nombreuses puces pourront être équipées ou fusionnées pour améliorer votre personnage, ou lui ajouter des paramètres essentiels, comme visualiser la jauge ennemie, la vôtre etc… le joueur paramétrant son Androïde comme il le ferait pour son interface.
Trancher l’Ouroboros
En sus, votre Pod viendra vous assister pour les combats à distance, et peut être amélioré avec de nouvelles attaques. Suivant le niveau de difficulté sélectionné, vous pourrez automatiser la plupart des actions en combats, esquivant automatiquement les attaques ainsi qu’en activant les tirs du pod et la visée sans rien toucher. Une façon pour le jeu de montrer que l’important ici n’est pas forcément ses combats ni le challenge. Et pour répondre à la question qui avait été soulevée, cela va même jusqu’à permettre aux joueurs d’acheter avec l’argent du jeu l’intégralité de ses Trophées dans une boutique dédiée après avoir fini le jeu la troisième fois.
Dans NieR Automata, le but n’est pas de vous faire combattre, de juger votre habilité, mais surtout de vivre une histoire avec ses personnages, ces enveloppes interchangeables, qui va au-delà de l’écran, de la console, jusqu’à affronter leurs créateurs pour se libérer de la Fatalité, et de voir jusqu’où vous serez prêt à aller. Car c’est bien cela le propos de NieR : à travers son histoire, l’évolution des machines et leur prise de conscience, c’est une quête de sens et de vérité. Celle qui rend fou autant qu’elle libère et qui nous lie, nous les joueurs et les protagonistes du jeu.
Ce combat que nous menons tous contre le divin et le destin, qui se matérialise ici par une dernière partie épique, où le joueur, soutenu par d’autres qui ont décidé de se sacrifier pour l’aider, affronte l’essence même de la création de ce monde pour parvenir à l’ultime liberté.
C’est étrange à dire, mais on ne sort pas indemne de NieR Automata tant celui-ci transcende les codes du jeu vidéo et de la narration pour venir vous chercher, vous incarner dans le jeu, concerné par le bien-être de vos Androïdes, interroger votre rapport aux personnages, à leur destin et en vous laissant libre de vous rebeller ou non contre la boucle de la fatalité, galvanisé par les autres joueurs qui comme vous ont décidé d’aller jusqu’au bout. Mais êtes-vous prêt à vous rebeller contre l’ultime en sacrifiant tout ?
Conclusion
Rares sont les jeux qui questionnent autant le joueur, mêlant philosophie, religion, le rapport à soi, au sens et au destin. La première partie ne laisse deviner que les prémisses de quelques chose de plus grand, et c’est presque un reproche que je pourrais faire au jeu : contrairement au premier NieR, Automata était attendu et nous savions que la baffe arriverait plus tard. La première partie s’effectue alors en 8 heures, l’attention rivée sur les détails, les choses nébuleuses, qui à coup sûr trouveront réponse au fil des parties enchaînées. Un premier run sympathique, porté par une musique fantastique, indispensable mais qui ne représente rien face à la puissance de la troisième partie et qui vous place aux commandes de destinées abominables. N’hésitez plus : jetez-vous sur NieR Automata, c’est un jeu comme on en voit toutes les décennies, éprouvant, littéralement grandiose et impliquant le joueur comme jamais.
NieR Automata
- Développeurs Square-Enix
- Type Suite inexpliquée
- Support PS4, PC
- Sortie 10 Mars 2017