Histoire d’un rendez-vous manqué
Un petit BBQ chronique pour ce premier jet.
Comme certains le savent, je suis l’heureux possesseur d’une WiiU depuis ce Noël 2014. Heureux ? Et bien plus ou moins. Si le principal attrait de la machine à mes yeux était de pouvoir rejoindre le reste de l’équipe dans des courses endiablées sur Mario Kart 8, je reste quelque peu sceptique quand à l’engouement que suscite Nintendo à chaque annonce d’un nouveau Mario ou Donkey Kong…
J’en suis venu à me dire qu’en fait, si l’on met de côté toute la nostalgie provoquée par son âge d’or et sa maîtrise réelle des jeux de plateformes, il ne reste pour les autres qu’un univers étrange finalement assez peu enclin à s’ouvrir au reste du monde. Si plusieurs machines du constructeur japonais trônent dans mon salon (la NES, la GameCube, la Wii et la DS), elles furent des consoles d’appoint, destinées à toucher certains titres exclusifs à Nintendo, sans pour autant appartenir à son univers… Final Fantasy Crystal Chronicles, Baten Kaitos, Resident Evil 4, Tales of Symphonia, Monado Blade, A Shadow Tale, Fragile Dreams, Pandora’s Tower… et c’est dans cette optique que j’ai décidé de sauter le pas avec la WiiU, me promettant un délire Sentaï avec Wonderful 101, de l’horreur pure avec Fatal Frame 5, Bayonetta 2 et bien entendu Xenoblade Chronicles X… j’y ajouterai sans doute Zelda, si la composante exploration en monde ouvert est de la partie…
L’autre amour
Pourtant, que ne suis-je pas sensible à la fibre nostalgique ! Si Sega annonçait aujourd’hui une nouvelle machine de salon, j’en serais sans doute l’un des early-adopter rien que pour profiter de la mythique introduction “Seee-gaaaa” au lancement d’un titre. Je comprends l’attachement qu’on puisse avoir pour la mascotte principale, moi-même je regarde les dernières productions estampillées Sonic avec une certaine bienveillance dès leur annonce avant de me souvenir que le hérisson supersonique de mon enfance est bien mort et a fait place à quelque chose qui ne me parle ni ne me concerne plus.
Et si je ne vois pas en Mario un rival à abattre de mon héros d’antan, je le considère au mieux avec indifférence, au pire avec la frustration de voir, années après années, la même recette ressortir et être acclamée. Outre les Sunshine et Galaxy, voilà bien longtemps que rien de nouveau ne vient redorer le blason du plombier, si ce n’est un costume de chat, qui sonne plus comme une carte désespérée de le faire aimer à travers le cliché le plus vieux de la génération Internet que comme un renouveau ou une renaissance sur cette même WiiU.
Au fil des ans, et particulièrement depuis le milieu de vie de la Wii, je n’ai plus vu chez Nintendo qu’un ersatz d’Apple, bien décidé à vendre une image épurée, froide et fashion à travers une multitudes d’accessoires bientôt relégués dans un placard ou des versions sans cesse renouvelées de ses consoles portables aux tatouages différents, jouant sur l’effet de mode et d’appartenance de son “clan”.
Please pay me more
Pour les quelques jeux qui m’intéressent sur 3DS, il m’est arrivé de considérer plusieurs fois l’achat de cette portable, mais à chaque fois, une réflexion du type “oui, mais si je l’achète, qui me dit qu’un autre modèle de meilleure facture ne sortira pas dans quelques mois ?” me freine dans mon élan. J’appartiens sans doute à une autre génération de joueurs, celle qui ne conçoit pas changer de machine pour une plus performante tous les 6 mois, mais jouant sur la durée.
L’annonce d’une New 3DS capable de faire tourner des jeux qui ne seraient pas disponibles sur les autres modèles vint alors me conforter dans mon choix de ne plus tenter l’aventure. Il ne me vient jamais à l’idée d’acheter plusieurs fois la même console pour une couleur de coque différente, mais force est de constater que Nintendo a réussi ce tour de force de faire dépenser à ses fans toujours plus d’argent, en ne proposant au final pas grand chose de nouveau. Ah si : avec la New 3DS, on pourra acheter les coques séparément. Sérieusement, Nintendo… En es-tu là ?
Ces mêmes fans sont-ils à blâmer ? Pas du tout. Ils aiment l’univers de Nintendo et celui-ci leur donne ce qu’ils attendent : du produit dérivé. Sans doute un peu trop maintenant.
Prenons les Amiibos. Formidables hommages aux héros de la marque, mais à l’utilité des plus réduite : tout juste débloque-t-on quelques costumes ou petits bonus déjà présents sur le disque, faisant des figurines un nouveau type de DLC. Et moi aussi, j’ai craqué. La princesse Zelda me faisant les yeux doux, elle est maintenant chez moi, aussi glaciale qu’inutile. Pourquoi l’ai-je achetée ? Parce que c’est Zelda. Rien d’autre. Un moment de faiblesse dans une grande surface. Et dire que jusqu’ici j’avais résisté à l’envie de me procurer les magnifiques figurines de Disney Infinity, celles qui font pétiller les yeux de ma petite fille et avec lesquelles nous aurions pu jouer ensemble. Mais non. L’inutile belle Zelda est là, seule et prenant la poussière.
Formidable machine Marketing de Nintendo qui n’a qu’à teaser un Mario ou un Donkey Kong pour alimenter les foras pendant des semaines et déchaîner les passions.
Du moins chez les fans.
Parce que les ventes de la WiiU en sont la preuve, tout comme le comportement de Nintendo qui s’est placé en marge de ses concurrents jusqu’à ne plus s’en préoccuper. Et sans cette saine concurrence, il n’y a plus d’innovation, plus de moteur qui pousse à se dépasser.
Après tout, Nintendo a toujours excellé en trouvant des composants pas chers et à en tirer le meilleur. Coupé de la majorité des éditeurs tiers, il fait vivre sa machine en sortant de son chapeau magique une nouvelle itération de Mario Kart, Super Mario ou Capitain Toad, qu’il décline jusqu’à plus soif, inconscient que cette roue de secours qui a jusqu’ici tourné à la perfection, commence tout doucement à se dégonfler. Il y a pourtant tant à faire et à découvrir avec ce Gamepad qui n’en finit plus de se décharger pour rien, presque conscient de sa propre inutilité.
Dans un sursaut de lucidité, il s’approprie des licences sortant de son univers, mais cela reste rare autant que bienvenu ! Il a suffi d’un Bayonetta que personne ne voulait vraiment financer pour que certains – dont moi – passent à la caisse en vue d’y jouer.
On ne s’aime plus comme avant
Un conflit d’image se déroule dans ma tête. Autant je vois l’univers Nintendo nimbé de productions légendaires (Mother, Final Fantasy, CastleVania, Metroid) se battre avec l’univers très naïf actuel et la politique commerciale du “gadget” à refourguer pour remonter les comptes. Il me reste inconsciemment des attentes frustrées à son sujet, comme une envie de voir le dernier ancêtre du jeu vidéo se redresser en adressant une tape amicale mais puissante dans le dos de ses jeunes challengers, comme pour dire “bon, si vous avez terminé vos enfantillages, je vais vous montrer…”. Au lieu de ça, je le vois se replier sur lui-même sous une cabane en paille en fermant les yeux et en espérant que la tempête l’épargne.
Je suis sans doute amer, déçu que le vestige de mon enfance – fût-il ennemi – se travestisse de la sorte en se repliant derrière une fausse naïveté plutôt triste à voir, sans une once de combativité, jusque dans la froideur des Nintendo Direct hyper formatés, sauf quand elle se traduit par une annonce d’un nouveau Mario ou d’un nouveau Zelda au-secours-on-a-rien-d-autre.
En attendant, ma WiiU tourne un peu. Entre Wind Waker HD, que j’avais raté à l’époque et MK8 quelques soirs en ligne, quand ma fatigue ne me permet pas de me lancer dans une aventure plus complète. Je regarde avec tristesse mon exemplaire de Sonic & All Stars Racing Transformed, que je considère bien plus amusant à jouer avec ses environnements plus dynamiques et ses courses plus nerveuses que MK8 et qui n’a pourtant pas la reconnaissance qu’il mérite.
Je prends rendez-vous avec Xenoblade et Fatal Frame dans un avenir que j’espère proche, en espérant que Nintendo ait un sursaut de fierté et annonce le retour de franchises moins édulcorées, moins “faciles” et de qualité… d’ici là, nous verrons…
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