Le but de cet article est d’essayer de mettre en évidence les similitudes entre les jeux de hasard traditionnels (casinos, jeux d’argent) et certains modèles économiques tels que les « Loot Box » ou « gacha » utilisés de plus en plus fréquemment dans le monde du jeu vidéo. En simplifiant, ces modèles demandent au joueur de payer une somme d’argent réelle pour tirer au sort une récompense in-game parmi une liste prédéfinie. Alors que les jeux de hasard traditionnels sont fortement réglementés, on observe un flou artistique une fois ce modèle décliné sous d’autres formes au sein d’un jeu vidéo. La rentabilité de ces modèles ayant été démontrée, beaucoup d’éditeurs se lancent dans l’aventure afin d’engranger plus de revenus, mais à quel prix ?

Dura lex sed durex

Le site aide-aux-joueurs.be nous propose un résumé intéressant des lois applicables aux jeux de hasard et explique leurs implications pour les joueurs belges.

On y apprend qu’en Belgique, les jeux de hasard sont par défaut interdits. Toutefois, une interdiction totale risquant de donner lieu à la création de nombreux établissement clandestins, le législateur a opté pour un modèle autorisant uniquement les établissements possédant une licence suivant les règles dictées par la loi du 7 mais 1999. Par exemple, un établissement relativement connu en Belgique disposant d’une telle licence est le casino en ligne Unibet dont on entend souvent parler à la télévision.

Cette loi définit des restrictions assez strictes pour les établissement et les joueurs telles qu’une limite d’âge (21 ans pour les casinos et salles de jeux, 18 ans pour les autres types de jeux), une interdiction sur la proximité avec des lieux « sensibles » comme des écoles ou encore une limitation sur les publicités incitatives ou cadeaux (par exemple, offrir des jetons gratuits pour vous inciter à jouer et devenir potentiellement accro). Bref, il n’est pas forcément aisé pour un entrepreneur de se lancer dans de telles activités et une attention particulière est apportée au fait d’éviter que des gens trop influençables se fassent piéger. Il est par exemple possible de s’inscrire sur une liste devant être vérifiée par les établissements vous interdisant de jouer.

Passer entre les mailles du filet

fire emblem heroes summoning result gacha
Thank you for playing … or paying ?

Le modèle des « gacha games« , dont l’origine selon Wikipedia remonte aux années 2010 au Japon, est une adaptation au format vidéo-ludique de ces distributeurs de jouets vous donnant une boule avec un jouet aléatoire en échange d’une pièce de monnaie. L’adaptation de ce modèle a particulièrement fait un boom sur les jeux en ligne et mobiles. Prenons par exemple les jeux mobiles Rage of Bahamut, Fire Emblem Heroes, Final Fantasy, HeartStone, Fate GO, etc. Chacun de ces jeux vous proposera d’acheter le droit de vous fier au sort pour gagner un héros ou une carte puissante vous donnant un avantage face aux autres joueurs lors de phases de PvP ou vous permettant de mieux vous classer lors d’événements. On qualifiera alors ce type de « gacha game » comme du « pay to win« . En effet, ceux qui passeront à la caisse auront plus de chances d’être parmi les meilleurs joueurs étant donné qu’ils auront un avantage suite aux objets pouvant être gagnés. Les « loot box » sont simplement la terminologie occidentale de ce modèle, introduite par le jeu Overwatch. On paie pour ouvrir une boite virtuelle et obtenir au hasard un ou plusieurs objets en jeu parmi une liste connue. Le modèle change parfois du « pay to win » quand les objets n’ont qu’une valeur cosmétique et ne vous donnent pas d’avantage en jeu.

Au sens strict, on pourrait donc penser qu’un jeu utilisant le modèle économique des « loot box » ou des « gacha » est un jeu de hasard et devrait être réglementé ? En effet, ces modèles vous demandent de payer une somme d’argent vous permettant de tirer une récompense au sort parmi une liste de possibilités mais ne vous donneront pas forcément la récompense que vous souhaitiez. Il y a donc bien un enjeu qui peut être atteint ou non en fonction du montant investi.

La loi du 7 mai 1999 définit le concept de jeu de hasard comme « tout jeu pour lequel un enjeu de nature quelconque est engagé, ayant pour conséquence soit la perte de l’enjeu par au moins un des joueurs, soit le gain de quelque nature qu’il soit, au profit d’au moins un des joueurs, ou organisateurs du jeu et pour lequel le hasard est un élément, même accessoire, pour le déroulement du jeu, la détermination du vainqueur ou la fixation du gain« .

Toutefois la loi introduit bon nombres d’exceptions qui laissent plutôt penser que ces modèles ne rentrent pas dans les conditions pour être qualifiés de jeux de hasard. D’une part, les jeux « forains », les loteries ou les jeux exercés ailleurs que dans les casinos ou établissements spécialisés ne sont pas couverts par cette loi. De ce fait, les distributeurs automatiques (par exemple, le distributeur de gashapon pokemon de votre Delhaize) ne sont pas impactés et il est donc imaginable que leurs adaptations vidéo-ludiques ne le soient pas non plus. D’autre part, on ne peut pas vraiment dire qu’il y a une possibilité de perte avec ces modèles. On gagne toujours quelque chose, mais pas forcément ce qu’on désirait ; contrairement à une machine à sous ou un jeu de carte comme le poker qui vous prendra votre argent sans rien vous donner en retour en cas de perte. Il y a également parfois une nuance dans le fait qu’il n’est pas toujours nécessaire de payer avec de l’argent réel pour obtenir ce que l’on convoite comme prix d’une loot box ou d’un gacha. Il est parfois possible avec un gros investissement en temps d’obtenir cet objets sans dépenser d’euros.

L‘ESRB (Entertainement Software Rating Board), organisme responsable d’attribuer une limite d’âge pour certains jeux, a d’ailleurs indiqué que son avis allait dans ce sens suite à une interview réalisée par Kotaku. Il y a cependant une incohérence assez notable dans le discours de l’ESRB qui explique que tout jeu de hasard impliquant de l’argent réel devrait obtenir un classement « interdit au moins de 18 ans » mais que les loot box ne rentrent pas dans cette catégorie. Or, le système de loot box ou gacha implique très souvent de l’argent réel et les jeux faisant cela devraient donc également être classés comme interdits aux mineurs, ce qui n’est parfois pas le cas (ex: Destiny 2).

esrb rating destiny 2 gacha oublié
Les règles ne sont pas appliquées pour tout le monde. Destiny 2 obtient un rating T alors qu’il inclut un jeu de hasard pour de l’argent réel

 

Gacha Dérives

Étant donné ce beau flou artistique et le fait qu’il n’y a à priori rien en place pour sanctionner les éditeurs adoptant ces pratiques, on observe une vraie déferlante de jeux utilisant les loot box et les gacha. Nintendo a par exemple compris que les jeux mobiles payants ne rapportent pas grand chose à côté des jeux de type « gacha game » suite au flop du runner Mario comparé au succès de Fire Emblem Heroes. Tout le monde veut donc entrer dans la danse pour se faire un maximum d’argent tant que c’est permis. On ne va pas de nouveau relancer la polémique, mais il est triste de se dire que ce modèle est même appliqué à des jeux AAA pour lesquels on a déjà dépensé plus de 50€.

Cependant, ce que je tenais à faire passer comme message dans cet article est de rappeler les dérives et dangers de ce modèle économique. En effet, ils peuvent vous faire dépenser beaucoup d’argent avant d’obtenir ce que vous désirez. Les probabilités d’obtention de « bons » objets tournent souvent entre 1 et 5% par essai, qui peuvent dans certains cas chiffrer à plus d’une dizaine d’euros chacun. De plus, les cibles seront souvent de jeunes joueurs qui n’ont pas forcément une bonne compréhension de la valeur de l’argent et pourraient développer une addiction néfaste. Il est également important de noter qu’il n’est pas nécessaire de se rendre dans un établissement spécialisé pour jouer. Tout le monde peut le faire depuis sa console ou son téléphone portable et potentiellement s’endetter sans que personne ne soit au courant. Alors oui, j’entends souvent dire que les joueurs doivent être responsables, s’allouer un budget mensuel ou éviter le pay-to-win par principe. Toutefois, il est indéniable que tout le monde ne tient pas cette réflexion et qu’une fois qu’on commence, il est possible que ça tourne mal. Je prends ici un cas extrême, mais un membre du forum neogaf nous montre qu’un joueur Japonais aura dépensé environ 950,000 JPY, dont 450,000 JPY en fonds personnels (et apparemment volés à ses parents) plus 500,000 JPY donnés par ses followers pour fusionner un personnage rare au niveau maximum dans le jeu Fate GO. Si on fait la conversion, ça revient à environ 7150€ pour un simple personnage dans un jeu mobile ! Il est d’autant plus surprenant que cette pratique soit encore tolérée car le principe des « complete gacha » (avoir besoin de tirer au sort plusieurs copies d’un même objet rare pour les combiner) a été rendue illégale au Japon. Sans doute que le jeu Fate GO a également réussi à trouver une entourloupe pour passer à travers les mailles du filet.

Bref, on ne tient pas à jouer les donneurs de leçons mais on espère que des réglementations plus strictes seront appliquées à ces modèles pour servir de garde fous aux éditeurs et pour protéger les consommateurs. Je vous laisse sur ces belles paroles et vous souhaite de jouer de façon responsable. Ne volez pas l’argent de votre mémé pour essayer d’obtenir un personnage 5 étoiles, c’est mal, m’voyez !

[Article publi-rédactionnel créé et rédigé par PxlBBQ ASBL]

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Papayou

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