DON’T NOD nous revient avec l’aventure narrative épisodique Lost Records: Bloom & Rage, avec cette première « VHS » nommée « Bloom » qui porte bien son nom, puisqu’on y suit 4 adolescentes dans les années 90 en recherche de liberté.

95 is the new 80’s

En vérité, Lost Records oscille entre les années 1995 et 2022, époque où nous découvrons une jeune femme nommée Swann de retour dans la petite bourgade de Velvet Cove, qu’elle a quitté 27 ans auparavant avec la promesse de ne jamais y revenir. C’est un message de son amie de l’époque – Autumn – qui va la convaincre de revenir, car celle-ci a reçu un étrange paquet adressé au groupe Bloom & Rage avec la mention « Souvenez-vous de 1995″…

Oui, c’est une prémisse qui rappelle un peu « I know what you did last summer » de loin, mais si DON’T NOD nous a déjà habitué à un thriller paranomal avec le premier Life is Strange, on a bien du mal à savoir dans quoi nous embarque Lost Records, et ce, jusqu’au bout de cette première partie.

On y suit donc deux époques. En 2022, Swann retrouve Autumn dans un bar de la ville pour discuter du passé, lever le voile sur des souvenirs communs perdus et attendre le reste du groupe pour savoir ou non s’il faut ouvrir l’étrange paquet. Les discussions, comme toutes celles présentes dans le jeu, semble façonner les rapports entre les personnages au fur et à mesure.

L’écriture est une fois encore une réussite, les discussions sont naturelles, s’enchaînent de manière fluide tout en s’adaptant à la fois à nos réponses ou à ce que décide d’observer dans l’instant. En effet, des options supplémentaires de dialogues se débloquent régulièrement quand on prend la peine d’observer des éléments du décor ou d’autres personnages. En 2022, cela donne parfois l’impression que les protagonistes cherchent quoi se raconter, après 27 ans de séparation.

Visuellement, le jeu est une réussite, même si dans ma version pré-sortie, il reste des petits soucis de texture qui mettent du temps à apparaître ou quelques animations étranges. Les animations faciales sont réussies et les personnages sont expressifs. On retrouve la patte DON’T NOD dans la patine visuelle façon été indien Le doublage français étant arrivé tardivement, je n’ai pu juger de sa qualité qu’en dernière partie, mais j’ai pu noter à ce stade qu’il est inférieur au doublage original, en plus de souffrir de quelques soucis de mixage sonores, certaines voix étant plus faibles que d’autres dans une même scène.

En 1995, nous suivons Swann également, petite adolescente en surpoids solitaire, fan de cinéma et qui ne sort jamais sans sa caméra pour filmer tout ce qu’elle peut. C’est d’ailleurs un passe-temps qui va nous suivre pendant toute cette période, les éléments à « immortaliser » sont nombreux, allant des animaux aux personnages en passant par les éléments du décors, cette possibilité de filmer (et de remonter légèrement après les plans entre eux) devient rapidement une petite chasse aux collectibles un peu trop systémique, puisqu’un chiffre indique le nombre d’éléments à trouver au total pour « compléter une séquence ».

Personnellement, ça m’a un peu sorti de l’ambiance et de la narration, puisque j’essayais de ne rien rater dans chaque environnement, parfois au détriment de la narration. Ce n’est rien de grave, et le jeu indique bien que la vaste majorité des éléments sont totalement facultatifs, mais quand même…

Quand Swann filme, j’ai aussi apprécié pouvoir choisir le cadrage, l’angle et le filtre VHS qui détériore l’image. La retranscription des images caméscopes de l’époque sont vraiment réussies, et par moment, le jeu réussis à capturer avec maestria le côté « Stand by Me » au féminin des bandes de gamins de l’époque (même si Stand By Me se déroule bien avant 1995, mais on se comprend). Proche du déménagement, Swann va faire la connaissance cet été-là d’une bande d’amies qui tiennent du « club des losers » (autre référence, si vous l’avez), chacune étant le reflet d’une adolescence complexe, avec ses propres démons.

Autumn est afro-américaine et on sent qu’elle est la plus responsable du groupe, la moins tête brûlée. Elle a un petit job, mais ne vit que pour la musique punk qu’elle élabore dans le garage de son amie Nora. Grande bringue surexcitée en permanence, pleine d’acné et au look vaguement gothique, Nora est victime de l’explosion hormonale typique de l’adolescence, avec des allusions sexuelles incessantes malgré une innocence manifeste et une énergie débordante. Enfin, Kat est la part sombre du groupe. En rébellion contre sa famille et contre sa sœur qu’elle déteste, Kat dissimule une part sombre et presque nihiliste qu’il nous sera difficile de comprendre avant la fin de cet épisode.

Nous allons donc majoritairement suivre ce petit groupe au travers de l’été, de petits moments en petits moments, pleins de souvenirs et de discussions typiques de ce genre de groupe. Si les garçons sont paradoxalement absents de ces discussions, il est davantage question de liberté, de justice et de rébellion contre le monde.

Un discours parfois trop appuyé ou pas assez dilué dans des discussions plus adolescentes, car tous leurs sujets sont très sérieux, même s’ils sont placés entre deux moments de plaisanteries ou de douceur sororale. On assistera alors à la naissance du groupe musical punk « Bloom & Rage » et à leurs escapades dans leur repaire secret de la forêt pour discuter de leur vie et de leur avenir qu’elles rêvent innocemment radieux et sans un nuage.

Si nos discussions façonnent nos relations avec chaque fille, j’ai été un peu surpris que l’on puisse diriger n’importe quelle relation vers une romance adolescente. Je n’ai aucun souci à ce que les développeurs incluent une romance adolescente homosexuelle dans un jeu (The Last of Us l’avait très bien écrit), mais que cela soit possible avec n’importe quelle fille du groupe me laisse perplexe.

Si l’une des filles laisse clairement entrevoir des signes de son homosexualité naissante, cela peut ouvrir la voie à une narration intéressante et autre. Que toutes permettent cette option donne l’impression que leur personnalité – et non leur relation avec Swann – peut être modelée peu à peu par le joueur, au lieu qu’elle ait la leur. J’avoue que ça m’a un peu surpris, puisque ce n’est pas au joueur de décider de cela, mais au scénariste qui veut raconter quelque chose par ce choix.

Enfin, si Bloom & Rage donne l’impression dans ses trailers d’un mélange de parenthèse adolescente et de paranormal, cette dernière partie est ma foi étrangement peu présente. Et presque systématiquement désamorcée quelques instants après pour revenir sur la relation entre les filles.

C’est peut-être une introduction nécessaire avant la seconde VHS (« Rage ») qui sortira le 15 avril, mais il m’a parfois semblé long de devoir suivre l’été somme toute banal de 4 adolescentes rebelles dans un coin perdu du Michigan et de n’avoir que des fragments d’éléments vaguement paranormaux (ou non, je ne sais pas dire), avant la toute dernière partie qui met en scène « L’Abime ». On a çà et là des pistes pour une cabane de sorcière façon Blair Witch, une possible météorite ou un fantôme, mais on ne sait jamais si c’est une fausse piste ou les élucubrations de 4 adolescentes prise dans leurs propres délires.

Je dois dire que cet épisode m’a un peu laissé sur ma faim. DON’T NOD nous a déjà prouvé avec les deux premiers Life is Strange qu’il était capable de manier narration feel good, drame et paranormal (les deux derniers épisodes de la licence étant développés par Deck13, dont le catastrophique Double Exposure qui a envoyé toute subtilité d’écriture aux oubliettes), je vais donc attendre la seconde partie en avril pour me faire un véritable avis

Mais si je ne devais m’en tenir qu’à cette première partie, je dirais que son principal problème est son rythme. Parfois le jeu semble vouloir gagner du temps (« mais ouvrez le paquet bordel ! »), et il désamorce presque systématiquement les événements paranormaux qui semblent se dérouler autour des filles – à l’exception de la dernière partie du jeu. Reste que cette première VHS se conclut sur un cliffhanger en 1995 qui laisse beaucoup de questions en suspens. Est-ce que peut revenir sur les éléments étranges de la cabane par exemple ? Y’a quand même des trucs étranges!

Ce qui se présente comme les tranches de vies de 4 ados le temps d’un été se termine tragiquement, en rabattant les cartes sur certains personnages que l’on voit sous un autre angle (puisque moins par le prisme des 4 ados), mais toujours en excluant presque totalement l’aspect paranormal.

Lost records: Bloom & Rage me laisse un sentiment étrange, et me frustre un peu aussi. J’ai peur d’être déçu de la seconde partie, car je ne sais absolument pas quelle direction elle va prendre, et elles sont plutôt nombreuses. Affaire à suivre donc, mais DON’T NOD a toute ma confiance.

Lost Records: Bloom & Rage Tape 1


SupportsPC, PS5, XBox Series
GenreAventure
Date de sortie18 février 2025
ÉditeurDON’T NOD
DéveloppeurDON’T NOD Montréal
MultiNon


  • Visuellement réussi
  • Une bande originale très « feel good »
  • Une ambiance 1995 plutôt réussie
  • Le monde par les yeux de 4 gamines paumées bien retranscrit sans les nuances de l’âge adulte.
  • Le filtre VHS quand on filme
  • On se demande vraiment dans quelle direction le jeu va nous emmener
  • Le dialogues s’adaptent et sont plutôt naturels
  • Une première partie bien trop lente
  • Un 95 très 85
  • L’aspect « Collectible » des choses à filmer qui sort un peu de l’ambiance
  • Une romance potentielle avec n’importe quelle fille, c’est un gimmick, pas une histoire.
  • Le doublage français a quelques soucis à la fois de qualité et de mixage sonore

Lost Records: Bloom & Rage – Tape 1

Titiks

L’avis de Titiks sur PS5

En bref

Je laisse le bénéfice du doute à DON’T NOD pour que cette première partie ne soit qu’une mise en place pour une seconde VHS plus prenante. « Bloom » est très lent et prend trop de temps à poser son univers en oubliant d’y mettre ses enjeux et en multipliant les pistes différentes. Le final nous laisse un peu sur notre faim, mais c’est peut-être une fausse impression, et tous nos choix façonneront peut-être la direction de la seconde cassette, que l’on espère plus palpitante à suivre.

3.5
Close

NEXT STORY

Close

L’univers d’Unknown 9 sétend un peu plus avec la web-série Passage sur Youtube

24/10/2024
Close