Beyond Two Souls : All about Jodie

Qu’il soit dit une fois pour toute : depuis Heavy Rain, voire Farenheit, impossible de ne pas savoir à quoi s’attendre avec ce Beyond : Two Souls ! Les jeux de David Cage se rapprochent toujours plus du film interactif que dun jeu vidéo au sens traditionnel du terme, bien que Beyond fasse un petit pas en ce sens avec quelques phases de gameplay plus appuyées.

Je préviens ici, je vais faire mon possible pour ne pas spoiler le scénario, mais je vais parler de phases de gameplay précise pour illustrer ce test.

Après les errances et destins croisés dEthan, Madison, Shelby et Jayden sur la trace du tueur aux origamis, voici Jodie Holmes. Alors qu’on la rencontre pour la première fois le crâne rasé, perdue et muette dans un commissariat désert avant quelle ne mette mystérieusement la pâtée à une équipe du SWAT, on repart bien vite dans son passé pour réaliser que tout le récit de sa vie, s’étalant sur une quinzaine d’années, de sa petite enfance à l’adolescence puis à l’âge adulte, se fera dans le désordre ! Une construction du récit efficace pour nous intriguer à plusieurs moments du jeu, mais aussi une faiblesse : à force de vouloir créer une forte empathie pour la pauvre Jodie, le jeu oublie de nous faire ressentir la peur de la perdre. Et cette empathie n’est pas ressentie comme elle le devrait, car on ne comprend pas à certains moments son état d’esprit, n’ayant pas encore vécu les mêmes expériences quelle (comme la séquence dans la rue). A cause de cela, le caractère presque constamment dépressif de Jodie pourra en énerver plus dun.

Mais qu’a-t-elle de si spéciale, cette jeune fille ?

Depuis sa prime jeunesse, Jodie n’est pas seule. En effet, elle est toujours accompagnée d’Aiden, une entité invisible et toute puissante avec qui elle communique et quelle peut parfois contrôler. Tant une malédiction qu’un don, cette faculté fera très tôt delle un sujet de recherche pour Nathan Dawkins et son assistant Cole à la DPA (Département des Activités Paranormales). De tests en discussions, Nathan et Cole se prennent vite daffection pour la jeune et triste Jodie. Enfant taciturne et très courageuse, elle craint cependant les Monstres, qui s’attaquent parfois à elle. Vite repérée par la CIA, qui lentraînera sous légide de lagent Ryan, Jodie participera à plusieurs missions de renseignements ou dinfiltration mettant en avant ses dons

En fond, le mystère de l’identité d’Aiden, sa relation avec Jodie et le reste du monde, les désirs d’intégration d’une petite fille, ses états d’âme et bien entendu, la peur de ce qui se cache au-delà, dans l’Inframonde.

Rassurez-vous, ce dont je vous parle ici n’est que le contenu des toutes premières heures de jeu. Vous vivrez des épisodes décousus de la vie de Jodie et d’Aiden, de leurs heures de gloire à leur chute la plus amère, la relation entre la jeune femme et son esprit étant au centre de l’intrigue.

2 âmes, 2 ambiances

Le jeu se découpe en deux parties distinctes : le quotidien de Jodie, sa relation difficile avec les autres et son désir d’intégration constamment remis en question par la présence d’Aiden, et la vie dite professionnelle de la jeune fille, sa relation avec les services secrets et ses missions.

Sans surprise, ce sont les séquences du quotidien qui se révèlent les plus intéressantes à jouer. Elles nous font creuser plus en profondeur l’esprit de Jodie et ses conflits permanents avec Aiden, qu’il s’agisse de la préparation dune soirée romantique avec un homme, de leurs réactions suite à un mauvais traitement de la part d’autres enfants ou du soutien que l’esprit peut représenter pour Jodie quand celle-ci touche le fond.

Aiden possède aussi la capacité de lire des souvenirs à partir d’objets ou de cadavres, voire d’entrer en contact avec les personnes décédées et de les laisser parler à travers lui. Il peut aussi entourer sa jeune amie d’une bulle protectrice, la protégeant des impacts de balle ou des chocs dus à une chute. Bon samaritain, il sera aussi un soigneur exemplaire, pouvant guérir n’importe quelle blessure grave.

Le plus intéressant est que le joueur a presque le contrôle total d’Aiden, et c’est donc à lui de décider d’aider ou de pourrir la vie de Jodie, de la soutenir dans les pires moments, ou de ne rien faire, comme quand ses parents adoptifs lui annoncent qu’ils ne reviendront plus et quelle doit maintenant vivre à la DPA, ou quand d’autres adolescents la maltraitent. La toute-puissance d’Aiden aidant, on aura tôt fait d’utiliser ses capacités pour nuire plutôt que de rester passif. Ce dernier n’étant relié à Jodie que par un mince lien spirituel, il peut se déplacer n’importe où et traverser les murs pour écouter des conversations ou interagir de manière invisible avec l’environnement, brisant des écrans, faisant sonner un téléphone ou renversant des objets plus ou moins violemment.

Mais le plus intéressant reste sa faculté à posséder les humains ou de les tuer silencieusement, un peu de la même façon qu’un adepte du côté obscur de la Force. Malheureusement, tout ceci reste fort scripté : certains murs et portes demeurent infranchissables, seuls quelques humains peuvent être possédés ou tués par Aiden, rendant la réflexion inexistante pour résoudre les petites énigmes, Jodie prodiguant des indices appuyés si l’on tourne un peu trop. Il suffit souvent de survoler une zone avec Aiden, de repérer les personnages dotés dune aura orangée pour savoir que le script continuera une fois ces personnages possédés ou tués.

Ce script est plus gênant à d’autres moments encore : par exemple, lors dune mission d’infiltration en Afrique (qui n’est pas sans rappeler le début de Metal Gear Solid 4 toute proportion gardée), Jodie doit parvenir jusqu’à un homme et le tuer. S’ensuit toute une longue séquence d’infiltration de nuit dans une ville dévastée par la guérilla, Jodie ne pouvant pas entrer en contact direct avec l’ennemi. Avec laide d’Aiden, elle doit éliminer les gardes un à un et éviter le plus possible la confrontation. Cela fonctionne plutôt bien en règle générale, bien que la notion de danger soit presque inexistante, mais à un moment, je dois contourner les gardes en montant sur un toit. Afin de voir si la plateforme est libre, je lance Aiden qui m’informe qu’un garde est planté juste au-dessus, et que vu sa position, il me verra si je grimpe à l’échelle. Le garde ayant une aura bleue, impossible de le posséder ou le tuer. J’ai passé un bon moment à chercher une autre issue ou un objet à bousculer pour attirer son attention ailleurs alors qu’il suffisait de monter à l’échelle tranquillement pour que son script s’active et qu’il me tourne miraculeusement le dos pour que je puisse l’éliminer. Ce genre de situation reste heureusement rare, mais dénote des limites des scripts quand ceux-ci sont surexploités et remplacent la réflexion du joueur.

On sait que Cage n’aime pas le Game Over, et cela est visible depuis Heavy Rain. Mais ici, rien n’est sanctionné en cas d’échec, et cela en devient gênant.

Au-delà du gameplay

Lors de combats au corps à corps, le temps ralentit pour vous laisser le temps d’appuyer dans une direction pour esquiver ou frapper. Outre que cela soit parfois un peu brouillon dans les scènes de nuit (le joueur devant accompagner le geste de Jodie avec le stick), le fait de réussir ou rater ne change rien à l’issue de la séquence, le jeu continue avec des animations différentes, c’est tout, là où Heavy Rain nous faisait emprunter un chemin scénaristique alternatif la plupart du temps suivant la façon dont nous gérions une situation.

Et si cela permet une mise en scène de grande qualité, il faut le reconnaître, et bien on oublie une fois de plus la tension dramatique qui n’est alors amenée que par le récit, et non le gameplay.

Il faut de plus noter que les déplacements des personnages sont lents et lourds, une petite touche pour courir, voire trotter un peu aurait été la bienvenue. Les animations de déplacement et de changement de position sont très bien rendues, mais accentuent cette impression de lourdeur. Nous ne sommes pas dans un jeu d’action, me direz-vous, mais tout de même. Un appui prolongé dans une direction fera marcher Jodie, puis elle trottinera d’elle-même 2 mètres, avant de jeter un oeil en arrière, puis se remettre à marcher, etc. Réaliste oui…mais lourd !

Autre exemple, Jodie est faite prisonnière à un moment et Aiden doit prévenir des alliés pour qu’ils viennent la délivrer avant quelle ne meure (ou presque, mais je fais mon possible pour ne pas vous spoiler). Tension dramatique, on trouve les alliés, on essaye de leur faire comprendre par les actes muets d’Aiden qu’ils doivent venir, et s’ensuit une séquence où l’on doit les guider à l’aide de lampes qui vacillent ou de fenêtres brisées pour leur indiquer la bonne direction. Ils sont même bloqués par un garde un peu plus loin. Pression, tension, peur ? Au début oui, puis on se rend compte qu’il ny a aucune urgence, aucune tension, pas de timer, rien. On peut poser la manette, boire un café et revenir continuer sans que cela porte à conséquence.

Certains passages flirtent aussi avec l’horreur et fonctionnent nettement mieux, comme celui où Jodie enfant est seule dans sa chambre la nuit, ou quand elle doit rentrer seule au cœur d’un complexe scientifique alors qu’il est attaqué par les fameux Monstres, ceux-ci possédant par moment les cadavres. Il s’agit d’un des meilleurs passages intervenant au début du jeu en termes d’ambiance et de gameplay, comportant des combats, des phases stressantes et glauques, de la recherche, de la mise en scène et de l’action, le tout sans temps mort. De fait, le jeu travaille à merveille les codes de l’épouvante pour nous mettre la pression, principalement lors de la jeunesse de Jodie.

Et je serais mauvaise langue de dire que l’action manque. Si les phases plus intimistes participent somme toute activement à l’attachement de Jodie et d’Aiden, les différents chapitres liés à l’action, s’ils ne sont pas punitifs au niveau du gameplay, restent haletants ! On sent qu’au-delà des questions existentielles de Jodie, il y a une intrigue sous-jacente digne des grandes productions de science-fiction, avec un petit côté Pacific Rim dans la thématique, et plus original dans son traitement. On est heureux de constater que l’histoire ne se perde pas en route à l’image de Farenheit, et reste cohérente jusqu’au bout, voire même un peu trop. A force de vouloir faire de l’Hollywoodien, David Cage oublie de garder une part de mystère et explique presque tout sans rien laisser à notre imagination. Aiden aurait pu être tellement plus et briser sans trop forcer le quatrième mur…

Actor Studio

Il va sans dire qu’avec une motion capture des plus poussées et le doublage anglais original (vous pouvez vous payer le luxe de choisir la langue du jeu, oui) de Willem Dafoe et Ellen Page, le jeu reste magnifique de bout en bout. Les visages sont saisissants de réalisme, tout comme certains mouvements. Si quelques décors semblent par contre pauvres et ternes, d’autres sont tout bonnement magnifiques, en témoignent les scènes de discussion dans le parc ou l’escale chez les Navajos, dans le désert américain. Certains personnages sont bien entendu moins travaillés, mais il s’agit surtout des personnages tertiaires, comme les inconnus que vous croisez en rue. Les seconds rôles, comme Stan, Cole, Tuesday, Ryan ou Jay ont également profité d’un soin particulier, et on aura tôt fait de s’attacher à eux, même si on n’en côtoie certains que quelques courts instants.

Comme je le disais plus haut, les véritables choix, ceux qui vont réellement influencer la fin, ne s’opèrent réellement que dans le dernier chapitre, voire un peu à la fin du précédent. Quantic Dream a annoncé 23 issues différentes possibles. Je n’ai bien entendu pas fait toutes les fins à l’heure où j’écris ces lignes, mais j’ai pu apercevoir que ces 23 fins comportaient de subtiles variantes. Un choix décisif final ouvrira la porte à diverses fins, elles-mêmes légèrement dépendantes de certains de vos choix. Le problème est qu’on arrive assez mal à définir ce qui conditionne ces fins subtiles, et que l’impact direct est trop peu perceptible, voire inexistant, pour donner envie de refaire les séquences, la majorité étant balisées à l’extrême. On aura bien envie de  refaire certains chapitres différemment, mais juste pour mesurer ce qui va changer immédiatement, et non sur le long terme, comme la séquence du dîner ou la discussion finale de la mission en Chine. Bien entendu, des fins seront disponibles uniquement si vous adoptez une ligne de conduite précise durant toute la partie concernant la vie ou la mort de vos alliés (se venger ? Sauver tout le monde ? Ne sauver personne ? C’est possible, mais pas forcément toujours « logique »), mais on reste loin des impacts des choix de Heavy Rain, puisqu’il est impossible de ne pas faire de rapport entre les deux jeux.

Keep in Touch

Petit aparté au sujet du mode deux joueurs : en effet, l’histoire peut se vivre à deux. L’un contrôlant Jodie, et l’autre Aiden à tour de rôle durant l’aventure principale. Sans mentir, je n’en attendais rien du tout mais je dois admettre que cette façon de jouer augmente le plaisir de jeu. Sentir Aiden réellement indépendant, être réellement deux à choisir, discuter des situations avant de décider Beyond Two Souls se prête avec efficacité au jeu du couple, du duo, et le fait de façon intelligente, sans chercher à modifier son gameplay. Pour plus de sensation, le second joueur peut même incarner Aiden sur Smartphone ou tablette via une application Android ou iOS dédiée qui fera office de manette. Je dois avouer qu’il est moins agréable de jouer Jodie sur tablette, mais cela passe sans trop de mal avec Aiden. L’autre joueur sera alors aussi indépendant que l’esprit et cela rajoute bien quelque chose en plus en parfaite cohérence. Et c’est surtout accessible à tout le monde ! Oui, vous pourrez jouer avec votre grand-mère pour peu quelle soit familière avec le tactile.

Conclusion.

Jeu scripté, joueur spectateur, manque de tension dû à la narration hachée Le dernier né de Quantic Dream ne manque pas de défauts une nouvelle fois. Avec moins de possibilités qu’Heavy Rain là où on en attendait davantage, Beyond Two Souls possède tout de même une véritable force de par la relation entre Jodie et Aiden, avec Nathan, Cole et Ryan en tête. La possibilité laissée, à certains moments, de faire du mal à ceux qui ont blessé la jeune Jodie, aidée par la toute puissance d’un esprit, certaines séquences possédant une ambiance de folie, un final bien amené malgré un style américain peut-être trop prononcé, et surtout une réalisation de haute volée font de Beyond un titre de qualité, mais à prendre comme une réalisation à part.

J’ai été sévère avec les défauts du jeu durant le test, mais ne vous y trompez pas, Beyond : Two Souls est clairement imparfait, mais passionnant à suivre, avec un bon rythme.

Plus efficace dans son gameplay que son aîné, également plus varié dans les situations rencontrées, les heures de jeu défilent sans qu’on y prête attention, et c’est bien là le principal.

Beyond Two Souls

  • Développeurs Quantic Dream
  • Type Histoire interactive
  • Support PS3, Ps4
  • Sortie 08 Octobre 2013

Y’a bon!

  • La narration dans le désordre
  • La réalisation magnifique
  • Le gameplay d’Aiden
  • Certains chapitres très haletants

Beuargh!

  • Bienvenue dans la vallée de l’étrange parfois
  • Certains chapitres bien moins intéressant
  • L’absence de véritables choix
  • La vraie nature d’Aiden, qui aurait pu être tellement plus
  • Un peu trop « Hollywood » ?
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Titiks

Quadra assumé, daron de 3 apprenties gameuses, fan de tout ce qui est capable de raconter une bonne histoire. Touche-à-tout, mais surtout de bonnes aventures qui savent surprendre, et dévoué à l'univers console depuis que Sega était plus fort que tout, vous me verrez bien plus souvent connecté à la nuit tombée #2AMFather.

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