Depuis près de trente ans, Final Fantasy Tactics trône comme une étoile à part dans la constellation de Square Enix, un spin-off dont la réputation n’a cessé de croître malgré une accessibilité chaotique. Longtemps absent des rayons européens à sa sortie sur PlayStation, puis confiné à la PSP avec War of the Lions avant des portages mobiles, ce classique tactique a toujours semblé jouer à cache-cache avec son public. Avec Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles, plus aucune barrière ne le retient, il s’invite enfin sur toutes les plateformes majeures, dans toutes les régions, une première historique.
La légende du Tactical RPG est de retour
Cette remastérisation propose deux expériences : un mode Classique fidèle à l’original de 1997, et un mode Amélioré qui modernise l’ensemble sans atteindre l’éclat graphique d’un remake complet. Je ne l’ai pas terminé une nouvelle fois, en toute honnêteté, mais je ressors émerveillé par sa profondeur intacte, mais légèrement frustré par des choix qui empêchent cette édition d’être définitive.
Ivalice, ce royaume tissé dans d’autres titres comme Final Fantasy XII ou Vagrant Story, sert de toile de fond à une guerre civile déclenchée par la mort d’un roi. Deux ducs, Gultana le Lion Noir et Lar le Lion Blanc, s’affrontent pour le trône, entraînant le pays dans une spirale de luttes de classes et de trahisons. Au cœur de ce chaos, nous suivons Ramza Beoulve, un noble candide, et Delita Heiral, un roturier élevé aux marges de l’aristocratie, dont le regard acéré décrypte les injustices. Ce récit ne se contente pas de batailles ou d’intrigues politiques : il dissèque les illusions du pouvoir et les sacrifices qu’exige l’idéalisme. Dès les premières heures, l’histoire saisi par sa densité, une intensité brute qui refuse la subtilité pour mieux marteler ses vérités. Les thèmes – corruption, foi manipulée, inégalités – frappent par leur actualité, un écho que Yasumi Matsuno attribue à des luttes économiques et sociales toujours brûlantes.
Le parcours de Ramza, en particulier, reste marquant. Sa naïveté, celle d’un jeune noble hésitant face aux injustices, évolue en une quête déchirante pour redéfinir la justice. Chaque dialogue, chaque confrontation, ajoute une couche à son portrait, porté par une direction vocale anglaise de très bonne facture dans le mode Amélioré. Pourtant, le récit pèche par son manque d’interactions entre les compagnons. Les nouveaux arrivants, qu’ils soient invités ou permanents, se cantonnent à des dialogues utilitaires, sans tisser les liens chaleureux que nous attendons d’un Final Fantasy. L’accent mis sur Ramza et les oppositions idéologiques donne de l’ampleur, mais au détriment de moments plus intimes. Ce sont des pions sur un échiquier, ce qui sert la fresque politique, mais laisse un vide pour qui espère des échanges plus centrés sur les personnages eux-mêmes.
Le mode Amélioré introduit un script hybride, basé sur celui de War of the Lions mais adapté pour le doublage. Matsuno, dans une interview dont je n’ai plus la soource, expliquait avoir réécrit des lignes pour passer d’un texte lu à un texte écouté, une nécessité imposée par l’ajout des voix. Certaines phrases, comme la détresse d’Ovelia répétant le nom d’Agrias face au danger, gagnent en émotion, tandis que d’autres, comme les références explicites à la Garde du Lion, clarifient les enjeux. Des ajustements mineurs, mais qui fluidifient la narration. Ces retouches, combinées à des lignes inédites pour les combats – cris de victoire ou lamentations en cas de chute –, dynamisent sans trahir l’âme du jeu.
Si l’histoire pose les fondations, les combats forment le cœur de Tactics. Chaque bataille se déroule toujours sur une grille où nous positionnons nos unités, en tenant compte du terrain – falaises abruptes, rivières traîtresses – et des jobs attribués. Chevaliers, mages, voleurs, voire dragons ou invocateurs : plus de vingt classes s’offrent à nous, chacune avec des compétences spécifiques. Les objectifs varient, allant de l’élimination d’un chef ennemi à la survie sous une pluie de coups. En difficulté Chevalier, j’ai d’abord tâtonné, intimidé par la complexité apparente. Le premier chapitre guide doucement, avec des alliés temporaires qui balisent la voie, mais dès le deuxième, le jeu révèle sa vraie nature : un Final Fantasy déguisé en puzzle stratégique. Chaque action – attaque, soin, sort – rapporte des points d’expérience et de job (JP), une monnaie pour débloquer des aptitudes. Nous sculptons nos unités en assignant des jobs, en combinant des compétences actives, passives ou de mouvement, comme un mage du temps qui lance des sorts noirs ou un chevalier dopé à la téléportation.
Cette liberté m’a captivé à nouveau. Un simple écuyer peut devenir un ninja, un moine, ou un hybride improbable, à condition d’investir du temps. Les systèmes annexes, comme la compatibilité zodiacale qui booste les synergies ou l’incubation d’œufs pour recruter des chocobos et créatures mythiques, ajoutent des couches savoureuses. J’ai pris l’habitude d’envoyer des unités en missions secondaires, des errands qui rapportent du butin, pour équilibrer mon équipe sans alourdir les combats. Le grind, souvent redouté, devient fluide grâce à l’option d’accélération des animations, une bénédiction pour qui, comme moi, a grandi avec des émulateurs. Un boss du troisième chapitre m’a bloqué pendant des heures, mais cette épreuve a affûté ma compréhension : hésiter sur ses builds, comme Ramza sur ses idéaux, complique tout. Une stratégie claire – un tank solide, un soigneur réactif, un combattant précis – ouvre les portes du succès.
La mort, cependant, plane comme une menace constante. Une unité tombée disparaît définitivement après quelques tours, rendant chaque décision cruciale. Préparer ses équipements, surtout les accessoires contre les afflictions (poison, paralysie, confusion), devient aussi vital que l’exécution des tours. Les sorts, avec leur zone d’effet risquant de frapper alliés et ennemis, exigent une précision chirurgicale, un risque calculé qui m’a rappelé mes premières parties de Trails of Cold Steel, où un talisman bien choisi renversait un combat. Les champs de bataille laissent aussi des trésors : coffres ou cristaux abandonnés par les vaincus, contenant objets rares ou compétences à voler. Cette chasse compulsive a transformé mes sessions de farming en quêtes addictives, chaque victoire devenant une opportunité de butin.
The Ivalice Chronicles brille par ses ajouts modernes, mais trébuche sur des absences qui laissent perplexe. Le mode Classique recrée fidèlement l’original, mais adopte curieusement le script de War of the Lions, une décision étrange pour un mode censé célébrer 1997. Le mode Amélioré, lui, modernise le jeu avec brio : interface repensée, doublage intégral, sauvegarde automatique en combat, et une vue tactique qui aplatit le champ pour mieux lire la grille. La possibilité de redémarrer un tour ou un combat sans perdre de progression allège la frustration, tout comme l’option de fuir les rencontres aléatoires – un soulagement dans un jeu où chaque affrontement peut durer. Le State of the Realm, inspiré de Final Fantasy XVI, et un glossaire narratif détaillé aident à suivre les intrigues croisées, un atout précieux face à la densité du récit.
Un filtre de grain statique agace, et les animations de sorts jurent avec les personnages, créant une incohérence visuelle. Les environnements, en revanche, gagnent en éclat avec un éclairage retravaillé et une carte du monde plus précise, où chaque ville affiche ses équipements disponibles.
Des ajouts compensent partiellement : les sound novels, contenus narratifs coupés de la version anglaise originale, reviennent pour enrichir l’univers, et l’éternel Cloud Strife, recrutable plus tôt avec son épée dès le départ, devient un atout. Trois modes de difficulté – Écuyer pour les novices, Chevalier pour l’équilibre, Tacticien pour les vétérans – ajustent l’expérience, avec un rééquilibrage des compétences (comme le coûteux Téléport) et une IA ennemie plus sophistiquée, qui contourne certaines astuces d’antan.
Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles
| Supports | PC, PS4, Ps5, Xbox One, Xbox Series, SW, SW 2 |
| Genre | Tactical RPG |
| Date de sortie | 30 septembre 2025 |
| Éditeur | Square-Enix |
| Développeur | Square-Enix |
| Multi | Non |

Malgré ses manques, The Ivalice Chronicles reste une porte d’entrée somptueuse pour découvrir ou redécouvrir un pilier du RPG tactique.
On a aimé
- Une narration toujours percutante, portée par un doublage anglais exceptionnel.
- Un gameplay tactique profond, où chaque décision façonne une armée unique.
- Des améliorations de qualité de vie (sauvegarde auto, accélérations, vue tactique) qui fluidifient l’expérience.
- Le State of the Realm et le glossaire, parfaits pour suivre une intrigue complexe.
On a moins aimé
- L’absence des contenus de War of the Lions (jobs, personnages) limite l’ambition.
- Des sprites lissés et un filtre visuel décevant, loin des standards HD-2D.
- Un manque d’interactions entre compagnons, qui isole Ramza dans le récit.
- Une interface parfois maladroite pour gérer les jobs et les équipements.
Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles
Titiks

En bref
Ayant connus les deux versions, je chipote. Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles prouve que ce classique n’a rien perdu de sa superbe. Sa narration, portée par des thèmes intemporels et un doublage de qualité, nous happe dans un Ivalice fracturé, tandis que son gameplay tactique, d’une richesse infinie, récompense chaque effort d’optimisation. Les ajouts de cette version – interface claire, options de confort, difficulté ajustable – rendent l’expérience plus accueillante dans un genre souvent abrupt, même pour les nouveaux joueurs. Pourtant, l’absence des ajouts de War of the Lions et une présentation visuelle inégale empêchent cette édition de s’imposer comme définitive. Nous rêvons d’une version qui fusionnerait le meilleur des deux mondes. Que vous soyez un vétéran de la Guerre des Lions ou un novice curieux, enfilez vos bottes et plongez dans cet échiquier impitoyable : Ivalice n’a jamais été aussi vivante.
À propos de l’auteur
Titiks
Quadra assumé, daron de 3 apprenties gameuses, fan de tout ce qui est capable de raconter une bonne histoire. Touche-à-tout, mais surtout de bonnes aventures qui savent surprendre, et dévoué à l’univers console depuis que Sega était plus fort que tout, vous me verrez bien plus souvent connecté à la nuit tombée #2AMFather.