Quelques semaines avant la sortie du prochain Yakuza 7 “Like a Dragon”, on a pris un peu de temps pour lire le livre consacré à la saga de Sega paru chez Third Editions “La Saga Yakuza. Jeu vidéo japonais au présent”.
Concernant l’auteur, je vais être honnête en avouant que j’ai trouvé peu d’informations le concernant. Selon sa description, Victor Moisan est issu d’une formation cinéphilique et a longtemps travaillé dans la distribution de films de patrimoine. Il enseigne et vit à Kyoto depuis 2013 et est passionné par le rapport entre le jeu vidéo et le cinéma.
Il a participé aux revues Carbone, Games, JV, et a publié de nombreux articles pour les sites Merlanfrit, Gamekult, Chro, ou encore Le Monde-Pixels. C’est un auteur avec une vision donc parfaitement adaptée à la série Yakuza, tant il présente cette dernière ancrée dans son époque et ses références.
Mais comme tout bon ouvrage de chez l’éditeur, il est d’abord question de contextualiser. En effet, difficile de parler de la série Yakuza sans parler à la fois de ses influences cinématographiques, de son époque et de l’ascension de l’homme qui a mené ce projet en complet décalage avec les attentes de Sega.
En effet, le livre revient beaucoup sur le parcours de Nagoshi, le papa de Yakuza, et des opportunités qu’il a pu saisir au sein de Sega malgré les nombreux remous que l’éditeur a vécu ces deux dernières décennies. Attiré principalement par le cinéma, Nagoshi a naturellement grimpé les échelons de Sega au fil des ans grâce à sa vision très cinématographique, et à un pari fou : celui de faire un jeu vidéo qui capturerait l’essence d’une époque, mais aussi d’un quartier considéré comme chaud, le tout à destination d’un public exclusivement japonais, mature et masculin.
Autant dire que le projet avait tout du suicide commercial, mais à force de persuasion, Nagoshi a pu produire le jeu qu’il voulait, forçant même parfois la main à ses employeurs et supérieurs hiérarchiques.
Outre revenir sur les intrigues de chacun des jeux – Judgment et Yakuza 7 inclus – le livre revient sur le processus d’écriture improvisée qui a été imposé par une annualisation de la série voulue à la base pour amortir le coût du premier jeu, mais également sur les qualités “réalistes” de la série.
La série Yakuza offre en effet un réalisme absolu dans les détails, faisant de Kamurocho et des autres mini-régions de véritables mondes ouverts regorgeants de détails et issus de Kabukicho (et autres lieux inspirés) qui parleront aux japonais, certes réduits en taille, mais d’une densité extrême. De nombreux accords commerciaux avec des marques sont également conclus pour les faire apparaitre dans les cinématiques et les commerces, dans une optique moins commerciale qu’on pourrait le croire au début.
L’auteur passe également beaucoup de temps à mettre en avant ce qui fait de la saga Yakuza une véritable photographie de son époque, même si la série utilise un concept un peu désuet des Yakuzas. Ainsi, on constate que les intrigues et sous-intrigues – en plus d’être drôles et tirées par les cheveux, un souhait de rester un « jeu » avant tout – sont en totale adéquation avec leur époque, les mœurs d’alors, et qu’elles évoluent au fil des épisodes. Pour coller au plus près, on pourrait coller l’histoire de Yakuza 7 (Like a Dragon) aux efforts entrepris par le Japon pour purifier le pays de sa pègre en vue des Jeux Olympiques (qui finalement, n’auront pas lieu, à cause du COVID), mais qui a pour seul effet de laisser la place à une autre Mafia, moins visible, plus diluée dans les sphères de l’état. D’ailleurs, il a été rapporté il me semble que l’absence de contrôle par la pègre dans les quartiers chauds du Japon menait à de plus en plus d’arnaques envers les clients de bars et autre services de la nuit.
Un livre sur une série, mais aussi un voyage dans le temps sur les deux dernières décennies du Japon, racontée par un passionné qui a à cœur de mettre en avant les liens entre la réalité et une œuvre fictive qui n’était vouée qu’à rester cantonnée à une niche très particulière du Japon.
Comments