Il faut que vous gardiez votre beauté. Nous vivons dans un siècle qui lit trop pour être sage et qui pense trop pour être beau.

Voici ce qu’écrivit Oscar Wilde dans Le Portrait de Dorian Gray à la fin du XIXème siècle, alors époque victorienne très littéraire en plein darwinisme.

Reporté à notre XXIème siècle sur-médiatisé qui a pour culte celui de l’image au détriment de la connaissance et de la réflexion (en attestent encore les élections américaines actuelles, où la direction du pays le plus puissant au monde se verra confié à celui qui aura réalisé le meilleur audimat – ou presque), cela fait presque rire.

Tranquille, posay
« Le crime, c’est d’être superficiel »

La beauté, les apparences ne sont-elles pas le moteur de notre actuelle société ? Ce qui défini nos goûts ? La raison d’être de nos réseaux sociaux ? Toute adaptation littéraire au cinéma ne mettant plus en avant que de jeunes éphèbes à la plastique parfaite et refaite, où le culte de la beauté fait les beaux jours des magazines de mode et des marques de vêtements, bien décidées à vous faire comprendre que le 36 est la norme de toute les femmes “bien faites”.

Heureusement, une certaine prise de conscience semble émerger que la beauté pour la beauté reste vide de sens.

Mais nous ne sommes pas là pour causer sociologie.

C'est moche compte tenu des standards actuels, mais c'est un excellent jeu
C’est moche compte tenu des standards actuels, mais c’est un excellent jeu

Pour le jeu vidéo, nous n’en sommes sans doute pas encore arrivé aux mêmes conclusions. La beauté semble le modèle à suivre. Pour tous les Undertale mis en avant par les médias, combien de titres sont ignorés pour leurs visuels ? La voie à suivre est de systématiquement balayer les titres qui ne présentent pas une qualité visuelle en adéquation avec leur support.

Ainsi, sans réellement réaliser que le “beau” a un prix certain en terme de performance sur des configurations PC très diverses et sur des environnements console fermés et plus limités, nous en arrivons à des productions magnifiques visuellement mais de plus en plus dénuées de gameplay. Mais qu’importe : c’est beau.

Et ne soyons pas réducteur au point de dire que les jeux moins bien réalisés sont meilleurs, pas du tout. Mais le talent doit pouvoir s’exprimer à tous les niveaux d’une production. Et à moyens plus limités, il faut faire des choix. Certains privilégient alors la qualité graphique, la résolution, le framerate au détriment de l’expérience vidéoludique, tandis que d’autres font le choix inverse, risquant alors l’opprobre publique.

Au paroxysme du genre, The Order 1886. Véritable prouesse technique visuelle, la claque graphique a été monumentale, mais tout le monde s’accorde à dire que Ready At Dawn a loupé le coche du gameplay ne proposant un TPS certes magnifique mais aussi très linéaire et limité en terme d’interactions. Ce qui est vrai. La beauté à un prix.

Niveau claque graphique, The Order 1886 se posait là
Niveau claque graphique, The Order 1886 se posait là

Et venons-en au fait.

Je viens de boucler Uncharted 4.

Et quel voyage ! Sans en refaire un test, il est certain que le dernier Naughty Dog n’a pas volé son mérite. Alors que je me suis vite lassé des trois premiers – je ne suis en effet pas un fan du sieur Drake – il m’a été presque impossible de lâcher la manette durant les quelques 15 heures de jeu nécessaire à mettre la main sur le trésor d’Avery.

15 heures que je n’ai pas vu défiler, entre les dialogues très bien écrits, les personnages attachants et les incroyables panorama tous les 100 mètres (« Uncharted 4 : une usine à Screenshots »), je me suis retrouvé comme un gamin découvrant pour la première fois « Pirate des Caraïbes ». Légendes, cités perdues, trésors pirates, épreuves aux quatre coins du monde… de quoi faire rêver non ? Et le rêve a bien eu lieu, indubitablement ! Faut pas se mentir, il est très difficile de ne pas éprouver de plaisir avec Uncharted 4, que cela soit narrativement ou visuellement.

Non parce que merde quoi !
Non parce que merde quoi !

Pourtant – et je vais spoiler un tout petit peu – j’ai dû arrêter le jeu une paire de jours une fois arrivé à Libertalia, à l’endroit où le trésor était stocké. Si vous vous souvenez, c’est juste avant de gravir une tour qui se fera bombarder par Shoreline juste après… vous situez ?

Pour ceux n’ayant pas encore touché au jeu, il s’agira donc d’un passage très dynamique à coup d’explosion, de trucs qui s’effondrent, de grappins et d’escalade mâtiné d’un peu de tir.

Sorti de la magie du jeu pendant quelques jours, une réalité m’a subitement frappé, et ne m’a plus quitté jusqu’au bout : Si beau soit-il, si réussie soit sa narration (la narration, pas l’histoire), Uncharted 4 semble prompt à automatiser ma progression, dans sa quête de rythme soutenu, quitte à m’ôter tout contrôle sur le jeu. Au mieux, je dois viser juste pour vaincre les ennemis dans les quelques arènes que compte le titre. Les longues phases d’escalade ne laissent que peu place à l’exploration, et se font sans la moindre gestion de la fatigue. Alors bien sûr, on touche ici ce qui pourrait être un détail, mais c’est justement dans ses détails que résident la réussite visuelle d’Uncharted.

Impressionnant ?
Impressionnant ?

Tout est fait pour permettre à nos yeux d’apprécier la réussite visuelle sans venir perturber notre shoot de dopamine par des actions nécessitant du contrôle ou générant du stress. Vous êtes-vous senti nerveux dans Uncharted ? Personnellement, hormis des séquences de combats tendues dans la dernière partie – je n’ai à aucun moment tremblé de voir Nathan Drake lâcher le flan d’une falaise ou se balancer au-dessus du vide. Quel stress pourtant de devoir compter avec une endurance humainement limitée – n’est-ce pas ce qui faisait le sel des escalades de colosses dans Shadow of the Colossus ? – nous forçant en temps que joueur à découvrir les meilleurs passages et risquant la chute en cas d’erreur ! Nathan peut par contre bien se noyer lors de quelques séquences visuellement pauvres (en regard du reste), accessoires (si vous plongez de votre propre volonté) mais pas lors de la superbe séquence d’introduction, alors qu’il est équipé d’oxygène. Oh il y a bien quelqu’un pour vous rappeler « Attention Drake, tu n’as plus beaucoup d’oxygène » sans que la moindre anxiété ne se fasse ressentir.

Quel sentiment de réussite aurions-nous pu ressentir à avoir réussi à traverser une tour en flamme s’effondrant au milieu de la jungle en esquivant des débris par nous-même plutôt qu’à coup de scripts automatisés. Tout comme ces pseudos combats contre Nadine, perdus d’avance, dans lesquels il nous est juste demandé de frapper la bonne touche à notre rythme. Point de réel combat ici, juste une cinématique avec un « Play/Pause » masqué.

Ego Dimension
Ego Dimension

Le titre va jusqu’à nous priver de réel affrontement avec l’antagoniste principal, nous enlevant le sentiment de réussite inhérent à la complétion d’une épreuve en  nous balançant à la figure une série de QTE destinés à comprendre les maigres motivations de Rafe. Cela valait-il une absence d’affrontement pour le plaisir des yeux ?

Le QTE – pourtant largement décrié dans le milieu du jeu vidéo – est d’ailleurs très présent dans Uncharted 4, en plus des nombreux automatismes liés à l’escalade ou à la progression. Mais c’est à peine si nous nous en rendons compte, trop occupés que nous sommes à admirer les plans magnifiques du jeu en écoutant les dialogues incessants – bien écrits et amusants cependant. Même constat pour les ponts traversés : les faire s’écrouler est sensé générer un certain sentiment d’insécurité. A partir du moment où la majorité s’écroulent, à quoi bon ?

Les séquences d’infiltration sont de la même manière inconséquentes, puisque tout peut se régler via les armes – même si cela est plus difficile. Vous souvenez-vous de votre respiration à l’arrêt et vos sens en éveil quand vous vous deviez passer en silence à côté des infectés de The Last of US ?

Au regard de ceci, Uncharted 4 méritait-il autant de notes parfaites ? En terme de plaisir ressenti, indéniablement, mais cela n’est-il pas dû principalement à la manipulation de nos sens qu’à une réelle réussite vidéoludique ? Et si c’est le cas, sommes-nous juste prêts à sacrifier le « jeu » au profit de la « vidéo » si tant est que celle-ci soi de qualité ?

Ou fixer la limite alors ? Je pars du principe qu’un jeu vidéo est réussi si il me procure du plaisir. C’est son but : m’amuser, me faire jouer. Qu’en est-il si il se contente de m’amuser ? L’appréciation de la presse spécialisée ou des joueurs ne doit-elle plus se faire que sur cette base ou tenter encore une fois de voir ce que le titre en question a à nous proposer en terme de jeu ?

Je n’ai pas de réponse, juste des questions.

"Et si on faisait un film ?" "Ah Ah t'es con Nate..."
« – Et si on faisait un film ? Ça serait moins fatiguant »
« – Ah Ah t’es con Nate… »
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Titiks

Quadra assumé, daron de 3 apprenties gameuses, fan de tout ce qui est capable de raconter une bonne histoire. Touche-à-tout, mais surtout de bonnes aventures qui savent surprendre, et dévoué à l'univers console depuis que Sega était plus fort que tout, vous me verrez bien plus souvent connecté à la nuit tombée #2AMFather.

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